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Softshell Aclima très cool avec de la laine, mais 43 % de polyester…Le plus grand paradoxe de l’industrie outdoor est le suivant : pour profiter de milieux naturels et préservés, il est nécessaire d’avoir des vêtements et un équipement composé de matières synthétiques, dérivées de l’industrie pétrolière, avec les polyamides et les polyesters en tête.
Ce sont des vêtements nécessaires pour rester au chaud, au sec, à l’abri et à partir d’une certaine altitude, simplement rester en vie.
Une tenue que je porte en full synthétique, mais qui était bien pratique pour cette randonnée dans le Queyras. Comme avoir un équivalent en matières naturelles ? C'est ce qu'on va voir dans cet article !
En effet, le polyamide, le polyester et autres nylons ont des avantages indéniables, en contexte outdoor et en comparaison à du coton ou de la laine :
Vous l’avez donc compris, il n’est pas simple de trouver des fibres naturelles qui cochent autant de cases.
Mais est-il possible d’avoir une gear list composée uniquement de matières naturelles, y compris pour les “big 3” (sac à dos, sac de couchage et abri) ?
De partir en randonnée avec une gear list la plus respectueuse possible de l’environnement ?
Tout mon matériel pour mon stage de survie ! C'est pratique et solide, mais avec beaucoup de synthétique.
Est-ce que le 0% synthétique fait sens, et à quel prix ? Quelles sont les concessions à faire ?
C’est ce que nous allons voir dans ce guide.
Car oui, il existe des solutions, mais — attention spoiler — ça sera plus lourd, plus encombrant et souvent plus cher… Et ça va parfois nous mener vers des solutions vintage ! Quelques précisions avant de commencer :
Note #1 : quand je ne dis pas de matière synthétique, c'est en effet pas de matière synthétique : donc pas de mélange de matières naturelles avec du synthétique. Mais si vous faites preuve d’un peu de souplesse et acceptez des mélanges de poly coton ou de poly laine, sachez qu’un monde immense s’ouvre à vous ! Vous avez accès à tous les vêtements militaires, les marques “rustiques” type Aclima, Helikon-Tex, Arktis ou Flajjraven, etc.
Softshell Aclima très cool avec de la laine, mais 43 % de polyester…
Note #2 : j’ai une petite tolérance pour les zips, les fils utilisés pour coudre, les cordons élastiques ou certains boutons qui peuvent contenir des matières plastiques.
Avant toute chose, sachez les marques spécialisées dans des vêtements outdoor sans synthétiques sont bien rares. En effet, on trouve beaucoup de marques qui travaillent des matières recyclées (citons Klattermunsen ou Houdini), mais peu ont fait complètement l’impasse des matières synthétiques.
Mover est peut-être la marque qui va le plus loin en ce sens, avec quelques pièces qui sortent du lot, mais il n’y a pas de miracles : c’est le coton ou la laine qui remplacent le synthétique, avec leurs contraintes.
© Mover
Un pantalon en twill laine navy de chez Mover.
Voyons comment gambader sur un sentier de randonnée uniquement avec des matières naturelles !
Le base layer
Ça commence mal car c’est là où l’absence de synthétique va être difficile à gérer… mais pas impossible !
Par temps frais
Si c’est pour une randonnée par temps frais, vous pouvez prendre un tee-shirt 100% mérinos. Mais attention, le 100% mérinos est plus fragile que le polyester, et si vous prévoyez un usage intensif, les frottements avec votre sac risquent très fortement de provoquer des trous à la longue. Il faut donc l’utiliser en connaissance de cause.
C’est pour cette raison que la plupart des base layer en mérinos pour la randonnée comportent un peu de polyester ou de nylon afin d’augmenter la durabilité.
Le mérinos en randonnée présente quelques avantages indéniables : il sèche plus vite que le coton (mais bien moins vite que du synthétique), garde des propriétés thermiques acceptables quand il est mouillé, et surtout, surtout, il est anti odeur. Vous pouvez suer dedans pendant plusieurs jours, c’est à peine s’il gardera une odeur de transpiration.
Citons Ogarun qui fabrique en France des vêtements outdoor en laine mérinos.
Un tee-shirt à manches longues 100% mérinos fabriqué en France par Ogarun.
Pour ceux qui veulent d’autres pistes :
- la marque Arms of Andes propose également une petite ligne de base layer 100% alpaga
- Kora s’est spécialisé dans les base layer avec de la laine de yak (mais fabrication chinoise)
Et nos tee-shirts BonneGueule 100% mérinos alors ?
Bonne question !
J’ai quelques amis qui prennent nos tee-shirts en jersey de laine mérinos Reda Active pour leurs randonnées, mais ce n’est pas un usage que je conseille.
C’est une matière qui a été mise au point par Reda pour avoir la plus belle et la plus luxueuse main possible d’un 100% mérinos dans un usage urbain pour la vie de tous les jours, et non pour porter des heures et des heures (et des jours) un sac à dos de 10 kg sur le dos.
Par contre, pour une petite ballade à la journée, avec un sac à dos léger, il n’y a aucun problème.
Par temps chaud
Par temps chaud, là c’est compliqué de se passer de synthétique. Certains aiment randonner en tee-shirt en mérinos, mais moi j’ai quand même trop chaud, je le supporte mal.
Le coton reste à proscrire car il sèche très très mal (en plus de d’être un nid à odeurs) mais… avons-nous d’autre choix ?
Je me souviens d’une randonnée dans le Pays basque, avec des températures de plus de 25°c, un grand soleil et du vent.
Un ami avait un short en molleton de coton, qui s’est intégralement trempé de sueur une heure après le début de notre marche bien engagée. Eh bien ce short n’a jamais séché, malgré le temps estival.
Sur une randonnée à la journée, par temps chaud, ça passe, mais imaginez ce qui se passe sur plusieurs jours, avec des grosses variations de températures et de la pluie : vous allez être tout le temps trempé.
Le lin ou le chanvre sont peut-être une alternative, même si je crains un fort pouvoir abrasif sur la peau avec les bretelles d’un sac à dos.
Me concernant, si c’était moi, je m’orienterais vers une chemise en Ventile de chez Hilltrek (100% coton), en poids léger.
© Hilltrek
Chemise en Ventile, avec possibilités de customisation pour changer les mesures et la couleur.
Elle peut accueillir un tee-shirt en mérinos en dessous : il y a donc de belles possibilités de layering.
Et pour une raison que je ne parviens pas expliquer complètement, le Ventile sèche plus vite qu’un coton classique. Elle sera donc parfaite en cas de temps chaud et humide, et encaissera sans soucis une petite averse estivale.
Le mid layer
Si le choix de base layer sans polyester était ténu, là il est bien plus facile de trouver un mid layer en fibres naturelles !
Pour une solution rustique : un pull en laine bien robuste fera l’affaire. Pensez au pull Saint James increvable de vos parents…
Et sinon, les marques Kora et Arms of Andes proposent des mid layer un peu épais.
À noter : la marque Appalachian Gear Company propose un pull en 100% alpaga, très léger, pensé pour de la randonnée, avec un tricotage qui se veut résistant au port d’un sac à dos, fabriqué aux USA.
J’eai acheté un pull Appalachian Gear par curiosité, et c’est effectivement un chouette mid layer pour l’été quand il fait un peu frais. Attention, ça taille large ! Ils proposent aussi un peu de gear pour dormir.
Si cette marque vous intéresse, vous trouverez quelques reviews (en anglais) sur Youtube et sur le net.
Mover propose aussi un mid layer intriguant avec de la laine d’alpaga.
© Appalachian Gear Company
Oui, ceci est une maille pour faire de l’alpinisme !
Icebreaker et Woolpower sont très connus pour leur mid layers en laine, mais ils sont rarement en 100% laine, il y a souvent 25 % de polyester pour la durabilité.
L’outerwear
Le but de cette pièce, c’est de vous protéger des éléments : pluie, vent et neige. C’est là où le synthétique règne en maître, mais il y a quand même des solutions 100% naturelles très satisfaisantes :
- pour une veste chaude, je prendrai la veste de Weatherwool 100% laine mérinos de moutons race Rambouillet, fabriquée aux Etats-Unis, avec un tissu particulier. Elle est bien solide, et la page “thru hiking” est un régal à lire. Si la veste de montagne n’est pas disponible, je me rabattrai sur le modèle classique. Et je le redis, Weatherwool est l’une des marques qui est la plus généreuse en termes d’explications de ses produits.
© Weatherwool American
Un vêtement en laine qui peut encaisser de sévères conditions climatiques.
- pour une veste de pluie, le Ventile vous tend les bras ! Pour un temps hivernal, je prendrai la Talorc en double épaisseur de Ventile de chez Hilltrek, fabriquée en Ecosse, et pour le reste de l’année, la version appelée “Hybrid Ventile” qui consiste à ajouter une autre épaisseur de Ventile sur les épaules et la capuche. Le reste du corps est avec une seule épaisseur de Ventile pour assurer une respirabilité maximale.
© Hilltrek
La Talorc de Hilltrek.
- Mover propose également une veste en Ventile (note : EtaProof = Ventile depuis que l’un a racheté l’autre), avec absolument 0% synthétique, y compris dans les zips.
© Mover
Coupe-vent Mover en EtaProof, avec un joli design.
Avec ce système, vous avez de quoi affronter une large plage de températures, de la neige à la pluie.
Par contre… ça pèse lourd !
Pour comparer avec des vestes en synthétique :
- veste de pluie ultra légère chez Raidlight (une marque de traileurs) : 150 g
- veste en Gore-Tex Arc’Teryx (le modèle standard) : 457 g
- veste en Ventile Hilltrek : 1100 g !
Le pantalon
Avec toutes les recommandations de marque nous venons de voir, vous commencez à y voir plus clair, et il va être facile d’habiller cette partie du corps :
- par un temps estival, je choisirai un pantalon en Ventile chez Hilltrek (avec au choix : double épaisseur de Ventile, Hybrid Ventile, ou une seule épaisseur de Ventile)
© Hilltrek
Encore du Ventile, et encore du Hilltrek avec ce pantalon !
- un legging en mérinos, alpaga ou yak chez Missegle, Houdini, Arms of Andes ou Kora quand le temps se rafraîchit sérieusement,
- et pour les temps hivernaux bien rudes, le pantalon en laine Weatherwool, en embrassant une coupe hors des standards des marques outdoor !
© Weatherwool American
Un pantalon en laine taillé pour l’apocalypse !
Avec ces trois pièces, vous pourrez randonner par toutes les températures.
Et pour les temps chauds, vous n’aurez pas d’autres alternatives que de prendre un short en coton de chez Mover :
Les chaussures
Note : je suis un fervent partisan de la chaussure de trail, basse, légère, très aérée, sans membrane pour la randonnée, quelle que soit la durée, mais il faut bien une option sans matière synthétique !
Pour de la chaussure “low tech” bien robuste, sans nylon, mesh ou plastique, nous avons la chance d’avoir en France la marque Le Soulor, qui propose une gamme simple et efficace de chaussures de randonnées. Elles sont également ressemellables ! Un service qui est bien pratique quand la chaussure est bien faite à son pied…
Pour ma part, aimant les chaussures de randonnée très souples (car je ne fais pas de haute montagne), je me tournerai vers le modèle Aspe.
© Le Soulor
Le modèle Aspe de Le Soulor, avec une cheville relativement libre (ce que je préfère).
Pour ceux qui veulent un choix plus large, les équivalents américains sont Limmer et Danner’s.
Le sac à dos
Là les choses se gâtent car il n’y a pas grand-chose…
On trouve beaucoup de sacs à dos pour la journée en canevas de coton ou même en chanvre, mais c’est pour un usage urbain…
Il est très, très, très difficile de trouver un sac à dos pour la randonnée sans matières plastiques, surtout si vous voulez un litrage décent.
Voyons quelques options :
- du vintage avec le sac de l’armée suisse vintage, une version plus volumineuse, mais très difficile à trouver.
- le 339 de Savotta (55-65 litres). Je triche un peu car les sangles sont en polyester, mais le reste est bien en canevas de coton. Avec un poids de 1,9 kg, je m’attendais à bien pire !
© Savotta
Un design bien vintage, en canevas de coton bien robuste (et lourd), pour ce sac Savotta.
- le Kasperi S.07, entièrement en cuir, très costaud, très beau, fabriqué en Finlande mais cher. Avec un volume de 27 litres, c’est plutôt un sac à dos pour la journée. Notons que le design de ce sac pourrait très bien passer dans un contexte urbain avec une tenue workwear/héritage. Vous pouvez y accrocher une couverture en mérinos et une adorable théière. Le poids n’est pas indiqué.
- le sac en coton canevas de Lucky Sheep, 70 litres, mais il faudra être prêt à commander (et à payer) un sac à dos à la conception très artisanale dont il n’existe aucune review…
Le sac de couchage
Là aussi, l’absence de synthétique va être vraiment difficile à combler. Je ne vois que deux solutions :
- une bonne couverture militaire en laine rustique, à acheter dans un surplus militaire,
- ou le sac de couchage de Lucky Sheep, sans synthétique et avec de la laine en isolant, mais coûteux et très lourd : comptez au moins 2 kilos pour ce sac de couchage considéré comme “léger” par la marque… Par contre, pour du camping (à savoir avec un camp bien installé sur plusieurs jours au même endroit), c’est une option à considérer !
- pensez aussi à un “liner” de sac de couchage en soie ou en alpaga, ça peut vous aider à gratter quelques degrés supplémentaires.
À gauche, le sac de couchage léger "The ReWilder" de Lucky Sheep ; à droite le liner de sac de couchage de chez Appalachian Gear Company.
L’abri
Pour la tente, il est possible de se passer de matières plastiques là aussi, mais préparez-vous à porter du lourd !
Il existe des abris dans des cotons huilés et même des tentes chez la marque Bushcraft Spain par exemple.
Et vous me voyez venir : ça va être lourd ! Un tarp de 2,5 m sur 2,5 m pèsera environ 2 kg, contre mois de 400 g chez un tarp léger…
Comptez également un poids de 3kg pour une tente 2 places, contre 1 kg pour une tente ultra légère de chez Durston Gear…
© Bushcraft Spain
Oubliez l’idée de l’ultralight avec une tente en canevas de coton, mais au moins elle sera bien robuste !
(Cela dit, il paraît que le canevas de coton est bien plus respirant que le synthétique sur une tente, ce que je veux volontiers bien croire).
Mais ce n’est pas fini, il faudra de quoi vous protéger du sol, une “ground sheet”, et comptez 2kg en plus, mais vous aurez une protection de sol à la robustesse sans commune mesure par rapport à un équivalent en Dyneema.
Le matelas de sol
C’est un item sur lequel je m’avoue vaincu, je n’ai pas réussi à trouver un équivalent sans plastique et avec un poids suffisamment raisonnable pour être transporté sur plusieurs jours.
En effet, rien ne bat un matelas gonflable ou un matelas en mousse, et si vous voulez vraiment vous en passer, il va falloir entreprendre un matelas de végétaux que vous trouverez sur place et vous servir d’une couverture en laine. Ou de la ground sheet vue ci-dessus. En clair, ça risque de ne pas être la meilleure nuit de votre vie !
Mon avis final sur des vêtements outdoor sans synthétique
Vous m’avez compris, même si je salue la démarche, je trouve ça très compliqué de se passer totalement du synthétique, et ça se fait au prix de lourds compromis sur le poids et la performance.
Et pourtant, Dieu sait à quel point j’adore le Ventile, ce tissu 100% coton !
Les matières synthétiques offrent des possibilités que les matières naturelles ont encore du mal à égaler. Elles ont des possibilités de tissage et de tricotage très vastes : on peut en faire des base layers plus ou moins épais, des pièces chaudes et isolantes, des coupe-vent, des pièces de pluie, etc.
Par exemple, dans mon récit de ma traversée du Vercors, heureusement que mon pantalon était stretch et en synthétique, car je n’ai jamais eu froid et il séchait très rapidement face à la neige. Heureusement que mon base layer en laine mérinos était renforcé avec un peu de nylon pour augmenter la vitesse de séchage et la durabilité. Heureusement que mon sac de couchage était en nylon pour la légèreté. Etc.
Souvenir de notre randonnée dans le Vercors. Pour 4 jours d'autonomie, je portais 13 - 14 kilos, un poids qui aurait été impossible à avoir avec du 0% synthétique. Tout aurait été plus lourd.
En résumé :
- pour une sortie estivale en journée, oui, on peut faire du 100% naturel,
- pour une randonnée de plusieurs jours — et surtout en été — j’ai des doutes !
Et finalement, je crois que ma recommandation finale, c’est de prendre le meilleur des deux mondes, en résumant très grossièrement :
- la laine pour ses propriétés anti-odeur, sa chaleur même mouillée : donc pour du base layer.
- le duvet pour son rapport poids/chaleur inégalé : pour de l’isolation statique et un sac de couchage
- et le synthétique pour son séchage rapide et sa durabilité : pour tout le reste.
Si vous avez aimé me lire sur du vêtement outdoor, sachez que je vous partage ma passion pour les vêtements et équipements outdoors à travers quelques articles racontant mon stage de survie, ma traversée de la Mongolie à moto, ainsi qu'une petite digression sur les vêtements que j'emporterais si je faisais Koh-Lanta :
- Mon équipement pour la traversée du Vercors
- Ma passion des vêtements outdoor (1/2) – Parlons Vêtements #45
- Ma passion de l'outdoor : les marques et la RSE (2/2) - Parlons Vêtements #46
- Comment je me suis équipé pour mon stage de survie
- Les vêtements que je choisirais pour participer à Koh-Lanta
- Mon voyage en Mongolie à moto (1/2)
- Mon équipement en Mongolie à moto (2/2)
Comme d’habitude, si vous avez des questions, n’hésitez pas à utiliser l’espace commentaire !