Après avoir testé, présenté et donné mon avis sur GANT Originals), ainsi que la petite dernière, plus formelle et très fonctionnelle : Diamond G.
Note : j'ai allègrement pioché des photos sur le site de GANT, qui est riche en contenu.
Petit rappel historique sur la marque GANT
Au tout début, un simple atelier de confection
Le 12 novembre 1907, Berl (Bernard) Gantmacher, jeune immigré juif ukrainien, arrive à New-York.
Fils de meunier, c'est tout naturellement qu'il monte une marque de vêtements, il décide de se former et suit des cours du soir de pharmacie à la faculté de Columbia. Il finance ses études en travaillant dans des ateliers de couture du Lower East Side.
Dans ces ateliers, il fait la rencontre de Rebecca Rose, une jeune femme qui deviendra son épouse.
La Première Guerre Mondiale commence alors, mais le jeune Bernard en reviendra sauf, après avoir combattu en France. Il épouse alors Rebecca et fonde avec son associé Morris Shapiro son propre atelier de confection à Brooklyn : la Par-Ex Shirt Company.
Cette modeste compagnie est un simple atelier, fabriquant des chemises de qualité pour des marques comme Brooks Brothers.
Le succès arrive et, en s'agrandissant, la Par-Ex Shirt Company déménage à New Haven (dans l'Etat voisin du Connecticut), une ville riche en savoir-faire textile et en main-d'oeuvre arrivant d'Europe.
New Haven et apparition de la marque GANT
Détail important : New Haven est aussi la ville de l'université de Yale, prestigieuse institution de l'Ivy League formant les élites américaines depuis des générations.
Cette proximité avec Yale permit à Bernard Gantmacher et ses fils d'être en contact avec les dernières modes, qui naissaient alors davantage au sein des classes dirigeantes que des sous-cultures (comme c'est davantage le cas aujourd'hui).
En 1949, l'atelier devient une marque : GANT. Ils se spécialisent dans les chemises button-down, largement portées par les élites de Yale (car vendues directement au magasin de l'école), et feront donc partie intégrante du style preppy Ivy League.
Les années 60 voient naître le développement de la classe moyenne aux USA. Avec elles, le sportswear émerge pour s'habiller pendant les congés et le temps libre. GANT arrive alors dans la middle class, tout en continuant à fournir les élites.
En 1960, GANT deviendra temporairement le second plus gros fabricant de chemises dans le monde. À cela s'ajoutera un vestiaire complet à partir de 1971.
Un autre élément marquant de cette époque est l'«Oxford Color Explosion», un tournant stylistique de l'Ivy League introduisant beaucoup plus de couleurs et de motifs dans les chemises, en accord avec les aspirations de l'époque (en parallèle du mouvement hippie).
GANT a particulièrement catalysé cette mode des couleurs en produisant de très nombreuses variations de la chemise en oxford initiale.
L'époque contemporaine, entre USA et Scandinavie
En 1967, la famille Gantmacher vend l'entreprise, qui changera alors plusieurs fois de mains : The Palm Beach Company (1979), puis le façonnier Crystal Brands qui fit faillite et céda GANT au groupe américain Phillips-Van Heusen (PVH). Fondé en 1881, ce dernier possède aujourd'hui Tommy Hilfiger, Calvin Klein, Arrow et de nombreuses licences (1995).
Mais la date importante dans toute cela - presque anodine à l'époque - c'est 1980, date à laquelle le groupe suédois Pyramid Sportswear reçoit l'autorisation de fabriquer et de distribuer des produits GANT en Europe.
Le succès de Pyramid Sportswear sera énorme, tellement qu'ils populariseront GANT dans toute l'Europe, avant de racheter GANT en 1999, de se renommer GANT Pyramid AB, et de s'introduire temporairement en bourse.
Trois décennies qui stabiliseront GANT et lui donneront une nouvelle identité, car pendant 28 ans, la marque GANT connaîtra un très grand succès en Europe (surtout au Nord, un peu moins en France), tout en étant quasiment absente du marché américain.
Cette histoire singulière aboutira à un vrai métissage entre style americana et design scandinave, un ADN que l'on retrouve dans les vêtements GANT d'aujourd'hui. Je trouve que c'est d'ailleurs particulièrement marqué dans le côté fonctionnel et épuré de la nouvelle ligne Diamond G).
Maus Frères rachètera finalement GANT en 2008. C'est le même groupe suisse qui possède Lacoste et Aigle, dont on a déjà parlé. L'ambition sera dès lors de reconquérir les USA. Et ce n'est qu'en 2010 que GANT retourna à New Haven, au travers d'un nouveau magasin.
La marque étant assez peu connue des Américains, certains pensent toujours qu'il s'agit d'une marque européenne. Le siège social resta en revanche en Suède, où il est toujours.
Les récentes évolutions stylistiques de la marque, notamment avec le lancement de GANT Rugger, et le recrutement de designers américains (bien qu'officiant en Scandinavie : Christopher Bastin, Directeur Artistique de 2012 à 2015, et avant lui Bob Andrews.
À noter que GANT Rugger a aussi fait une collaboration avec le designer américain Michael Bastian, très pointu sur le preppy (article en anglais très complet sur Michael Bastian et sa propre marque).
Aux origines de la marque : la chemise GANT
La chemise button-down est, à l'origine, la trouvaille d'une autre marque bien connue et historique du style preppy : Brooks Brothers. Mais GANT (qui s'appelait à l'époque "GANT Shirtmakers") la perfectionna et fut identifiée à ce type de chemises.
Gantmacher était d'ailleurs connu pour son obsession à rechercher le "col button-down parfait" : où placer le bouton ? Quelle taille de bouton ? Quel arrondi pour le col ?
Il a ainsi développé plusieurs innovations, aujourd'hui courantes, sur ses chemises :
- le box pleat : une pince qui cintre la chemise tout en assurant un confort au porteur,
- la locker loop : une patte d'accrochage dans le dos de la chemise pour la suspendre aux crochets des vestiaires (et que les étudiants coupaient quand ils s'engageaient dans une relation durable avec une fille),
- le neck button : un bouton derrière le col qui l'empêche de remonter,
- et le button tab : une attache qui permet de plaquer encore plus le col.
L'entreprise GANT en 2015
L'entreprise GANT est aujourd'hui un tandem de deux marques ciblant des clientèles très différentes, auxquelles se rajoute en 2015 une troisième : Diamond G.
C'est dans ce cadre que GANT vient d'ailleurs de lancer une grande campagne mondiale, tournée autour de jeunes leaders emblématiques issus de l'Ivy League, et dont voici la vidéo :
Petit détail intéressant : la vidéo a été tournée avec des vêtements GANT d'époque, et on voit apparaître le magasin des étudiants du campus de Yale.
On a donc à présent trois marques, avec des rapports qualité/prix proches, mais des offres bien distinctes.
GANT Originals
La marque originelle, très preppy (tant sur l'aspect Ivy League que sur les pièces aux inspirations militaires). Marques voisines : Ralph Lauren, Tommy Hilfiger, Barbour.
GANT Rugger
Plus créateur, plus fitté, et s'adressant à un public plus jeune (qui peut même être rebuté par le style Ivy League très marqué de GANT Originals). Ici, on a davantage une sorte de preppy réinterprété avec des codes créateur. Marques voisines : FrenchTrotters, Paul & Joe, Carhartt WIP.
GANT Diamond G
Il s'agit d'une ligne classique, conçue pour des clients mobiles, cosmopolites, et à l'emploi du temps varié. C'est aussi une marque avec des pièces plus habillées. Marques voisines d'un point de vue design : Acne, J-Crew, Sandro, De Fursac.
La nouvelle marque de GANT : Diamond G
Dans l'esprit : un retour aux origines de GANT
Cette troisième ligne ne comporte pour sa première saison que la "Perfect Oxford Shirt", déclinée en tissus oxford et pin point.
Elle va se doter d'un vestiaire complet dès la saison prochaine, répondant aux attentes d'une clientèle bien précise : plus mature, plus élégante.
Pourquoi "Diamond G" ? En référence au tampon de losange avec un G au centre, qui était apposé dans les vêtements réalisés par l'atelier de New Haven pour le compte d'autres marques.
Ce sigle était un gage de qualité pour les clients des autres marques qui produisaient chez Gantmacher, alors simple façonnier. Les Américains recherchaient ainsi la présence du tampon
En pratique : une ligne pour les citadins très actifs
La ligne Diamond G se destine aux nouvelles générations d'actifs qui ont entre 30 et 50 ans. Des hommes qui voyagent beaucoup, passent fréquemment d'un milieu à l'autre au sein de la même journée (du bureau à un dîner entre amis, par exemple).
On comprend très bien cela quand on regarde de près la ligne Diamond G :
- coloris simples et peu de motifs, très facile à assortir quand il ne reste plus grand chose de propre dans la valise ;
- designs polyvalents, pouvant se porter dans des looks casual ou plus habillés, selon le moment de la journée, desk-to-dinner ;
- pas de technicité particulière, mais des choix de matières confortables et respirantes ;
- vêtements facilement superposables pour suivre la température, et pour les combiner entre eux ;
- vêtements pouvant facilement se plier ou ressortir peu froissés d'une valise (typiquement l'avantage de l'oxford et du pinpoint).
Test du polo GANT Originals (entre 85 € et 100 €)
Lors de mon passage au magasin parisien du boulevard des Capucines, j'avoue avoir pas mal cherché avant de trouver des pièces qui m'excitent vraiment.
Globalement, on reste sur des vêtements GANT au design très simple, vous ne trouverez pas dans la ligne GANT Originals de vraie touche créateur (il y a la ligne GANT Rugger pour cela). Pour un lecteur aux goûts très affirmés, cela peut même s'avérer un peu ennuyant.
Finalement, je me suis arrêté sur ce polo, une pièce que je ne porte jamais. Mais vu que je devais bien choisir quelque chose, je me suis dit "autant tester quelque chose de neuf".
Finalement, ce qui m'a séduit au moment du shopping, ce sont les motifs tissés dans le coton piqué.
Pour l'avoir beaucoup porté, je me suis vraiment attaché à ce polo. Avec le recul, c'est la pièce qui m'a réconciliée avec les polos.
Côté qualité, le montage est soigné (pas de fils qui bavent, boutons bien fixés, points de couture resserrés et réguliers). On n'est pas non plus sur un montage de fou, mais pour environ 90 €, étant donnée la résistance de la pièce, je trouve que c'est tout à fait correct.
À cela, je rajoute que la matière froisse peu et que son port est agréable en été.
Test du chino GANT Originals (119 € à 175 €)
J'ai également choisi ce chino kaki, en coton légèrement délavé. C'est justement le wash sur du kaki qui m'a attiré, et la matière m'inspirait confiance.
À l'intérieur, c'est bien monté mais sommaire.
Amoureux du pantalon haut de gamme, vous ne trouverez pas tous les détails qui vous sont chers (coutures gansées, anglaises ouvertes, etc.) mais le montage reste propre et robuste.
Et encore une fois, c'est un pantalon que j'ai beaucoup porté et lavé : on est donc face à une bonne tenue.
Il est commercialisé autour de 150 € selon les matières particulières ou les simples gabardines : c'est dans les clous du marché, ni plus ni moins.
Test de la chemise en oxford whashed GANT Originals (99 € à 140 €)
Ma pièce préférée pour la fin : une chemise en chambray délavée, avec de légères broderies.
Étant donné les nombreux traitements sur la matière et la bonne confection, je trouve qu'elle est au bon prix (aux alentours de 120 €) : c'est bien positionné.
Mon avis sur les vêtements GANT Originals
Avec le recul que je prends au fil des années (que ce soit en tant que consommateur ou que "marque"), je me rends compte que si les nombreux détails apportés à la fabrication d'une pièce tendent à rassurer sur sa qualité, ils ne sont que des indices parmi d'autres.
J'ai dernièrement eu affaire à plusieurs vêtements de jeunes créateurs (sweatshirt et chemises) qui ont vraiment beaucoup rétréci au lavage, faute d'avoir appliqué un lavage industriel avant montage des pièces (par manque d'information ou par volonté de baisser les coûts), alors qu'ils partaient d'une belle matière de chez Toki et d'un montage plus "noble" que celui de GANT.
À l'achat, je serais pourtant parti directement sur ces vêtements de créateur plutôt que sur des pièces GANT aux designs identiques, mais à la confection plus sommaire.
Et pourtant, ce polo et ce pantalon ont très peu bougé dans les mêmes conditions (= petite laverie de quartier qui me bousille souvent des trucs, ne prenez pas exemple sur moi et mon entretien dans les pires conditions).
Cela ne veut pas dire qu'il faut préférer une typologie de marque à une autre, mais sur de vieilles maisons comme GANT, j'ai le sentiment qu'on a affaire à une sorte de "maîtrise de la qualité". Les montages sont certes moins intéressants de visu à l'achat, mais vous savez avec une bonne certitude ce que vous achetez, sans gros risque derrière. Même si le rapport qualité / prix est dans la moyenne du marché, sans plus.
GANT est donc une découverte concluante pour moi. Je décrirai la marque comme robuste et fiable, avec de bonnes coupes. Même si je l'aimerais encore plus si elle se lâchait davantage dans le design, les motifs et les matières texturées.
Remerciements : je tiens à remercier sincèrement Antoine Blanc (Directeur Marketing France) pour sa sympathie, sa bonne humeur, et m'avoir longuement parlé de la marque. Ainsi qu'à Karine Vincent (DG France) et Grégory Blanchadell (Directeur Commercial France) pour leur confiance face aux éléments que je leur demandais, leur gentillesse et leur grande transparence, jamais avares de détails.