J'ai publié récemment un épisode de (Très) Bien Habillé au sujet du col roulé.
J'y expliquais, très spécifiquement comment le choisir : sa couleur, sa coupe, la façon dont il s'agence dans une tenue selon son épaisseur...
Mais vous aurez peut-être remarqué que je n'y ai pas inclus de sélection.
Et pour cause : ce n'est pas le rôle de (Très) Bien Habillé, une série de vidéos hebdo pour laquelle je me suis lancé le défi de faire tenir un maximum de conseils sur un sujet précis, en 5 minutes .
Malgré tout, l'occasion était trop belle, surtout pour une pièce que nous sommes si nombreux à apprécier. J'ai eu envie de vous montrer quelques modèles qui m'inspirent...
Et particulièrement, des modèles de cols roulés épais.
Ce que le pull fin ne peut vous offrir...
Comme je l'avais expliqué dans cette vidéo, le col roulé fin est avant tout un basique.
On peut l'avoir dans des couleurs un peu plus fortes, c'est vrai.
On peut aussi, si les moyens le permettent, le choisir dans une matière plus rare, comme le cachemire, l'alpaga, le chameau ou le yak.
Mais au final, à des rares exceptions près, sa texture et sa complexité visuelle resteront quelque peu limitées par son poids.
Le col roulé fin tire sa force des autres pièces avec lesquelles on le combine.
Tandis que le col roulé épais, lui, fournit le support idéal pour épater l'œil.
Toute cette matière, ces possibilités de varier la jauge, les points de tricots, de torsader des fils de différentes couleurs entre eux... Le potentiel pour en faire une pièce "maîtresse" est là.
En contrepartie, il a deux gros inconvénients : il est moins polyvalent, et surtout, il coûte un bras.
Par conséquent, il n'y aura pas de pièce "pas chère" dans les huit modèles que je vais vous présenter...
Mais j'ai quand même essayé de vous proposer un bon compromis entre les pièces "Graal" qui vous attrapent le cœur et brisent votre tirelire, et des modèles un peu plus abordables. 😉
Je tenais aussi à sélectionner des pièces plutôt "surprenantes" plutôt que des beaux classiques, pour insister sur la variété de ce qui est possible.
1. Un torsadé classique abordable - Bosie
Bosie est une marque qui est déjà parue dans nos colonnes.
C'est simple : si vous voulez un pull Shetland de belle qualité à un prix très abordable, c'est sans doute une des meilleures adresses.
Évidemment celui-ci n'est pas un Shetland mais une douce l'aine d'agneau "Geelong". Logique, parce qu'il faudrait avoir la peau sacrément coriace pour porter un col roulé en shetland, une laine rustique et assez rêche.
Il est, de surcroît, fait au Royaume-Uni...
Ce qui est plutôt plaisant d'ordinaire, mais évidemment, depuis le Brexit, le rend un peu moins accessible pour tous les Européens.
Au-delà ce ça, il a peu à envier à des pulls d'une gamme au-dessus, mis à part que ses torsades les plus originales du marché, et que sa coupe un peu droite et ample demandera peut-être de prendre une taille plus petite qu'à votre habitude.
C'est une belle porte d'entrée vers le col roulé épais de qualité.
2. Pas tout à fait "roulé", mais tout de même... - Brut Clothing
D'accord, ce n'est pas EXACTEMENT un col roulé.
J'ai un peu triché.
C'est un col cheminée. Autrement dit, ce col monte, mais ne "roule" pas.
Mais sincèrement, vous avez vu comme il est beau ?
Et puis, en vérité, ce sont deux pièces qui jouent le même rôle visuel : les deux habillent le cou et le visage.
Et les deux brillent par leur potentiel à être combinées avec toutes sortes de hauts.
Il y a plusieurs raisons pour lesquelles je l'ai sélectionné :
Tout d'abord, il offre une coupe vintage très particulière (que l'on n'est pas étonné de trouver chez Brut) : courte, cintrée, volumineuse au-dessus de la taille, et mettant l'accent sur un bord-côtes très large.
Ça peut choquer nos yeux habitués aux standards modernes, mais si vous regardez mon dernier épisode de (T).B.H., vous saurez pourquoi je lui porte un intérêt tout particulier...
Ensuite, une couleur un peu forte ne faisait pas de mal à cette sélection , et moi qui suis extrêmement difficile en matière de jaune (toujours trop vifs, trop primaires, ou alors trop pâles et ternes), j'ai failli me laisser tenter à plusieurs reprises...
Enfin, pour un col roulé épais fait en France, il est proposé à un prix plus que raisonnable.
Petit bémol : il ne reste que des tailles S actuellement, et seul le jaune et le vert sont en vente. .
Je serais cependant étonné que la marque ne le réédite pas, donc ça vaut le coup d'y refaire un tour plus tard.
3. Un mouliné qui ne brasse pas de l'air - Barbanera
target="_blank" rel="noopener">Barbanera est une marque que je connais peu personnellement, mais qui s'est fait un petit nom dans le menswear.Son vestiaire est assez difficile à qualifier : ça va du costume en flanelle rayé très chic, jusqu'à la chemise western, en passant par les chemises d'été à imprimés et les bottines de cow-boy.
Un peu chic, un peu rock, un peu Americana, en somme.
Et quand je suis tombé dessus sur The Rake, j'ai été surpris de voir que ça venait de chez eux.
Ce qui a piqué mon regard sur ce pull, c'est sa texture très prononcée qui, de loin, semble renvoyer beaucoup de lumière, tout en gardant une base de couleur relativement sombre.
En y regardant de près, on comprend l'astuce : il est tricoté avec des fils de multiples couleurs, allant du marron très foncé jusqu'au blanc, en passant par un marron clair, qui fait le lien entre les deux.
Il en résulte cette impression d'avoir un pull sombre (base marron foncée), doté de "reflets" lumineux, grâce au marron clair et au blanc.
Le prix me paraît relativement contenu pour ce type de produit. Je m'attendais d'ailleurs à une mauvaise surprise sur le pays de fabrication, puisqu'il n'était pas mentionné par The Rake...
Mais il semblerait selon le site de la marque qu'il soit fait en Italie.
Donc : pull qui semble assez épais, prix raisonnable, fabrication italienne, belle torsade, et texture très sympa... Ça a l'air pas mal, vous ne trouvez-pas ?
La seule chose qui m'échappe complètement, c'est pourquoi The Rake a décidé de dire qu'il était "Blue-Brown".
Où est le bleu ? Je vais finir par m'user les yeux à force de le chercher au milieu de cet entortillement de fils colorés...
4. De la torsade poids lourd "faite main" - Monitaly
Le "vrai" style de pull torsadé façon pêcheur irlandais, à l'ancienne, pour ceux qui veulent un pull vraiment rustique.
Oui, je sais : un pull de pêcheur irlandais, fait au Mexique par des artisans indigènes, vendu par une marque Américaine, qui s'appelle "Monitaly"... c'est cocasse.
Un gros pull rustique, je disais, mais qui, contrairement au pull que vous a fait votre grand-mère quand vous étiez petit, est fait dans un beau mérinos.
Sans doute plus doux que la fameuse "lainekigratt", la variété de laine spécialement conçue pour que les enfants détestent les pulls.
Et surtout, avec tout le respect que je dois à votre grand-mère, je ne suis pas sûr qu'elle ait pu réaliser des torsades d'une telle complexité.
Enfin, il est filé et tricoté à la main... Mais qu'est-ce que ça veut dire exactement ?
Un pull industriel moderne est tricoté sur des métiers mécanisés, et le plus souvent automatisés. Pareil pour le filage.
"Industriel" veut simplement dire que la technologie, la chaîne de production et l'automatisation remplacent la main de l'homme, et les outils manuels.
Par opposition, le "fait-main" (ou "artisanal"), au sens strict, signifie donc l'absence de machines.
L'intérêt du fait main réside donc avant-tout dans sa relative rareté du fait de la modernisation du vêtement, et le charme singulier qu'il peut produire, y compris dans l'imperfection qu'apporte la main de l'homme.
Et nous avons là un exemple typique de l'intérêt du fait main : le rendu extrêmement rustique et vintage de ce pull, son relief, qui n'aurait pas pû être obtenu sur des métiers à tricoter industriels.
Ce n'est donc pas automatiquement supérieur à l'industriel. Ça ne lui confère pas de propriété magique. C'est juste différent.
Il va de soi qu'au vu de la rareté de ces savoir-faire et du temps humain colossal qu'ils nécessitent, la marque comme le client payent le prix fort...
Par conséquent, vous trouverez rarement des "vrais" pulls tricotés main produits dans des pays plus riches, tels que la France ou l'Italie.
Non seulement parce que les prix seraient absurdes, mais surtout parce que je ne sais pas s'il y a encore une main d'œuvre capable de le faire.
Bref, c'est un beau pull, qui plaira à ceux qui sont sensibles à ce fragment de tradition en voie d'extinction.
5. L'effet ombré - Inis Meáin
Là, on arrive dans le pull niveau "Graal" : dans le prix comme dans le résultat.
Difficile de parler de pulls haut de gamme sans mentionner Inis Meáin : s'il y a une marque où vous pouvez acheter une maille qui ressemble à aucune autre ailleurs, c'est sans doute celle-ci.
Elle s'illustre constamment par sa créativité, tout en puisant dans les techniques traditionnelles de l'île irlandaise où elle a été fondée.
C'est un pull 80% mérinos, 20% cachemire, ce qui est très appréciable. Mais ce n'est pas vraiment vers ça qu'il faut se tourner pour expliquer son prix.
Car là, il s'en passe des choses sur un seul pull.
Pour commencer, vous avez ce fameux effet "ombré".
À l’origine, je crois qu'il a été popularisé par Begg & Co, une marque (écossaise, elle) spécialisée dans l'écharpe de luxe en cachemire.
L'idée, c'est de réussir à créer des dégradés de couleurs sur des tissus (ou des mailles, comme ici), sans recourir à un imprimé, ni même à du "tie & dye" ou d'autres techniques où l'on reteint le vêtement après coup.
Tout provient du tricotage.
Sorcellerie ? Non, mais prouesse technique, oui !
Si vous y regardez de plus près, vous verrez le même procédé que pour le pull Barbanera : des fils de multiples couleurs s'entortillent pour donner un plus gros fil nuancé.
La différence, c'est qu'au lieu de créer un "mouliné" sur tout le pull, ici, la répartition de ces fils de couleurs est faite de façon à ce que, progressivement, on change de dominante de teinte à mesure que l'on descend sur le pull.
Tout en haut, il y a plus de fils bordeaux, puis de plus en plus de fils marron clair, puis il commence à y avoir des fils bleus, puis gris, puis de plus en plus de gris et de bleu, puis le bordeaux disparaît...
Bon, je retire ce que j'ai dit : en fait, c'est bel et bien de la sorcellerie.
Le jeu de tricot n'est pas en reste lui non plus : on a des manches "raglan". Mais attention, pas des manches raglan normales, ah non, non... Rappelez-vous, on a établi que c'était un pull tricoté par de la sorcellerie.
À la place, les côtes du pull changent de direction au beau milieu du corps, et ce tricotage diagonal s'étend jusqu'à former les manches du pull.
Mon expertise technique en maille me fait peut-être défaut, mais j'ai l'impression que ce pull n'est même pas "remaillé" , mais tricoté d'un seul tenant.
Et s'il est remaillé, alors c'est un des remaillages les plus raffinés que j'aie vu.
...
Alors, ai-je réussi à vous convaincre du potentiel qu'avait le col roulé épais à devenir le joyau de vos tenues hivernales ?