On sait que vous appréciez les tests de marques. Et franchement, nous aussi. On voudrait en faire toutes les semaines, tout voir, tout essayer, avec la même objectivité qui nous caractérise.
Seulement voilà, la vérité c'est qu'on manque de temps. Cruellement. Et, comme ce n'est pas dans notre ADN de bâcler les sujets, vous le savez bien, le résultat c'est qu'on en fait moins que l'on devrait.
Mais nous y voilà : c'est bien un nouveau test que vous lisez, test de costume en l'occurrence, saison des mariages oblige.
J'ai choisi Wicket parce que c'est une marque que l'on recommande, sans avoir formellement conduit de test encore.
Et, bien que l'on soit tout de même sûrs de sa valeur, nous voulions quand même voir cela de plus près.
Wicket, l'esprit tailleur
On pourrait croire que la marque est anglaise, mais c'est une illusion : elle est française. Toutefois, il faut dire qu'elle s'exprime en anglais. Comme certains chanteurs français qui choisissent l'anglais pour déclamer leur poésie musicale, parce qu'ils estiment que ça sonne mieux et que c'est la manière de parler au plus grand nombre.
Pas bête.
Et cela fait de nombreuses années que c'est le cas. 2003, c'est l'année de naissance de Wicket, ce qui la place parmi les anciennes marques. Elle a su se faufiler dans un marché en révolution, un marché en crise et tenir bon. Et même faire mieux que cela à vrai dire. L'impulsion et le cap ont été donnés par Hugues de Peyrelongue.
Disons-le tout de suite : Wicket a misé sur le classique. Et "classique" n'est pas un gros mot. C'est même le moyen le plus sûr de parvenir à l'élégance selon moi. Et la silhouette défendue par la marque est classique dès ses débuts :
- C'est un costume à deux ou trois boutons
- Dont la coupe n'est pas trop cintrée
- Avec des revers à 9cm
- Un crantage à 80°
- Une longueur de veste traditionnelle
- Un padding important aux épaules
- Des poches en biais
- Un poche ticket
- Un pantalon taille haute avec ou sans pince
- Un ouverture de jambes à 21cm
Hugues de Peyrelongue pour commenter cette silhouette initiale de Wicket me dira :
Bref, ce qui fait le charme et l'élégance du style anglais.
En 2005 toutefois, il décide de dessiner à nouveau les revers pour les faire plus fins (à 7cm) et créer une courbe, avec un crantage plus haut et plus étroit (40°) en parallèle de l'épaule.
Et les revers sont une chose mais ce n'est pas tout dans un costume : la coupe également a évolué au fil du temps. Car Wicket ne se regarde pas le nombril et reste attentif à ce qu'il se passe en dehors du microcosme confortable de ses boutiques.
Ce qui fait dire à Hugues de Peyrelongue :
Nos modèles Kensington et Hampstead sont très différents de ceux de nos collections d'il y a 15 ans.
En effet :
- Le padding aux épaules a été allégé
- La veste raccourcie
- Le pantalon fuselé, avec un bas à 19cm et une taille un peu plus basse
Certaines caractéristiques originelles sont toutefois restées :
- Deux fentes hautes de 28cm qui sont lestées pour garantir un beau tombé bien net
- Les poches en biais
- La poche ticket
- Le pantalon à braguette boutonnée
- Des side-adjusters à la taille
- Demi-lunes aux poches pour les renforcer
- Des doublures fantaisies...
S'adapter, donc, à la fluctuation des goûts, mais tenir toujours le même propos.
Concernant le montage des vestes, c'est semi-entoilé. C'est-à-dire que le plastron est assemblé via des coutures (ou "montée en libre") et que seul le bas de la veste et certains détails font appel au thermocollage. Cela permet d'avoir un bon rendu sans faire exploser le prix du costume.
Hugues de Peyrelongue ajoute :
Tous ces détails, montage semi-traditionnel et l’exigence de nos finitions sont des points essentiels qui nous imposent un certain coût de production que nous essayons de ne pas trop reporter sur nos prix de vente.
Les prix de vente des costumes sont compris entre 580€ et 750€ et les tailles vont du 44 au 58. Avec la possibilité d'acheter, pour certains modèles, le gilet correspondant pour la somme de 180€. C'est un bon rapport qualité/prix au vu du travail de confection, des finitions et des matières utilisées. Il faut dire que le costume est leur cœur de métier. Cela représente plus de 60% de leurs ventes annuelles.
Le reste du vestiaire Wicket se compose de pièces plus décontractées (chino, blazer, saharienne et vestes en jersey notamment). La saharienne étant, avec le costume, une spécialité de la maison. Et pour cette année, la marque a inauguré une mini-série de quatre bermudas.
On note aussi que Wicket propose des modèles dans un style italien avec l'épaule naturelle et moins de construction dans la veste.
Allez, je vous montre le produit de plus près.
Le costume Wicket
J'ai choisi de tester un costume. C'est bien naturel, c'est leur cœur de métier ! Je voulais un costume de mariage. Formel.
Voilà ce que ça donne :
C'est le modèle Kensington que je porte. Le plus emblématique de la marque. Trois-pièces comme on peut le voir, dans un gris moyen à carreaux Prince-de-Galles.
La veste est cintrée, à deux boutons et pourvue des fameuses fentes lestées de Wicket.
L'épaule, comme annoncé dans ce qui précède, fait de fières épaules sans paraître artificiel. Je trouve que ce niveau de padding est très réussi pour un costume formel. Car, sans être trop marqué, cela confère quand même un peu d'aplomb.
On se sent bien avec une telle épaule, c'est le costume statutaire, celui qu'on sort pour les grandes occasions.
De plus, le tissu est digne d'intérêt. Il vient de chez Vitale Barberis Canonico et c'est un serge fil à fil en laine 120S.
À propos des "Super"
"Super 120s" décrit la qualité de la fibre de laine. C'est-à-dire sa longueur et sa finesse. Par exemple, les fibres de laine en Super 100s sont bien moins fines que les 180s par exemple. Mais cela ne signifie pas que le tissu est de meilleure ou moins bonne qualité. Si vous recherchez un costume pour le travail, qui froisse peu et résiste bien à vos intenses journées, il vaut mieux opter pour un 100s, 110s, 120s ou 130s. Si vous recherchez un costume de cérémonie très raffiné alors un 180s vous apportera de la douceur et plus de subtilité.
Le serge est une armure avec des diagonales en relief. On le voit sur ce gros plan :
On voit bien ces diagonales. Cela forme un escalier car le fil de trame (vertical) passe sur deux fils de chaîne (horizontaux), puis sous un fil de chaîne. Créant ainsi un décalage. Et il se passe la même chose dans le sens des fils de chaîne.
Voilà pour le serge. Et le fait qu'il y ait deux couleurs de fils est désigné par le terme "fil à fil".
C'est aussi le cas pour le tissu du costume qui nous intéresse.
Ici, les deux couleurs sont gris moyen chiné et gris anthracite. C'est ce qui donne le charme de ce tissu qui, d'ailleurs, est plus resserré que celui que je donnais à titre de comparaison et plus subtil aussi.
Cela donne donc un costume qui prend bien la lumière.
La coupe
La veste
La coupe est cintrée faut pas croire. Ce n'est pas parce qu'on est classique qu'on ne peut pas opter pour un peu d'ajustement.
Ce que j'aime particulièrement sur cette veste, c'est justement cette taille cintrée que vient souligner habilement la poche en biais. Cela donne un rendu très élégant et confère un certain caractère appréciable je trouve.
Et j'aime aussi que la veste soit un peu longue. Cela me convient bien puisque j'ai le buste plus long que les jambes. Cela compense.
Et, de plus, cela couvre les fesses ce qui en fait un vêtement d'apparat plus digne je trouve. Je ne suis pas contre un costume dont la veste est plus courte mais il ne faudra pas aller au-delà de la moitié des fesses à mon avis.
Le pantalon
Il est sans pince et sa taille est mi-haute. Cela conviendra à un très grand nombre de personnes pour sûr.
Je trouve qu'il est ni trop ajusté, ni trop ample. Il y a suffisant d'espace pour se mouvoir sans peine.
Les finitions
Nos collections sont fabriquées en Europe, dans différents pays selon les spécificités des modèles que nous proposons. Ce qui comprend les Pays-Bas mais aussi l’Italie et le Portugal. Ces différents pays disposent de très bons ateliers avec du personnel hautement qualifié qui permet un haut niveau de finitions. De plus, c’est aux portes de la France donc très pratique pour les échanges commerciaux. Nous travaillons avec eux depuis de nombreuses années.
Boutonnières fonctionnelles
C'est un détail traditionnel que l'on voit rarement dans cette catégorie de prix.
Doublure fantaisie
On retrouve là l'esprit anglais, dont le style est souvent teinté d'auto-dérision.
Surpiqûres aux revers et aux poches
Demi-lune de renfort
C'est le demi-cercle aux coins de la poche qui sert à renforcer l'ouverture. Un détail toujours appréciable car il témoigne du soin apporté aux finitions.
Doublure de col
En soulevant le col de la veste, on découvre une petite surprise sur la feutrine de doublure du col : un motif. Wicket n'était pas obligé, mais cela montre la démarche jusqu'au-boutiste de la marque.
Le dos du gilet
Je voulais vous montrer la couleur de ce dos de gilet en viscose. On utilise cette matière pour que la veste bouge sans peine par-dessus. Mais on n'est pas censé la montrer au public de manière ostentatoire comme ici.
Les side-adjusters
Entre les mains, ils donnent une impression de solidité rassurante. C'est une finition très pratique, surtout si votre poids fluctue un peu ou que la taille est un brin trop lâche.
La fermeture du pantalon
C'est propremement fini. Et là aussi, il y a de l'épaisseur sous les doigts. Cela sent le travail bien fait.
Boutons à bretelles et bande antidérapante
Le pantalon est équipé de boutons qui permettent de recevoir des bretelles. Et d'ailleurs, cela me donne l'envie d'en acheter à l'occasion car, bien réglées et bien choisies, les bretelles apportent un véritable confort dans le maintien du pantalon. En effet, la taille est laissée libre et il n'est pas besoin de remonter son pantalon après s'être assis quelque peu.
Autre petite réjouissance : cette bande antidérapante. Cela permet de retenir la chemise pour ne pas qu'elle sorte du pantalon, en offrant une résistance. C'est astucieux et le bénéfice est immédiat.
Un V d'aisance pour le confort
Finition bien connue permettant d'assouplir la taille du pantalon en tolérant un exercice fluctuant de la tension sur celle-ci.
L'expérience en boutique
Je voulais aussi insister sur un point : le très bel accueil réservé à la clientèle. Et cela n'était pas réservé qu'à moi, juste parce que je devais écrire un article sur la marque. Pendant que j'étais en boutique, j'ai pu voir que le même traitement était appliqué aux autres clients.
C'est l'esprit tailleur, comme évoqué précédemment. Déjà, on est reçu avec une grande politesse et convivialité, ce qui est loin d'être le cas dans toutes les boutiques. C'est déjà appréciable. Ensuite, les conseils pour orienter vers le bon costume, dans la bonne taille et les retouches à faire sont très précis, convaincants, directifs sans être autoritaires.
Bref, on est bien pris en main et doucement amenés vers le costume qu'on est venu chercher sans le savoir.
"Le costume demeure l'uniforme masculin occidental par excellence"
BonneGueule : Pensez-vous que l'esthétique à l'anglaise ait de l'avenir ?
Hugues de Peyrelongue, fondateur de Wicket : Bien sûr ! il suffit de regarder l’impact des images sur la planète mode du mariage du Prince Harry d’Angleterre avec Meghan Markle : un défilé de costumes anglais et de jaquettes et toujours beaucoup de fantaisie dans les couleurs des cravates, des chemises…
Et puis le style anglais ne se limite pas aux costumes de Savile Row. C’est aussi les vêtements de campagne (rustiques, sportifs et décontractés), les vêtements de pluie incontournables, un goût immodéré pour les couvre-chefs et pour les beaux souliers.
C’est d’ailleurs ce qui nous conduits à vendre dans nos boutiques de nombreux accessoires made in England (parapluie Briggs, chapeaux Lock and Co, pulls Smedley, bretelles Albert Thurston, etc) et à développer depuis 2016 notre propre collection de souliers cousus Goodyear et fabriqués dans le Northumberland en Angleterre spécialement pour Wicket.
BonneGueule : Cela pose également la question du costume : on dit souvent qu'il va mourir et pourtant il résiste. Quel est votre point de vue sur le sujet ? Pensez-vous que la manière de porter le costume ait évolué pour le meilleur ou pour le pire ?
HdP : J’ai envie de vous répondre que pour que rien ne change il faut tout changer … sauf l’essentiel. Le costume demeure l’uniforme masculin occidental par excellence. Il ne cesse d’évoluer et continuera d’évoluer avec les modes de vie.
A nous, spécialiste du costume, de nous adapter et de proposer les costumes dont les coupes conviendront aux goûts de demain mais pas question de brader la qualité de fabrication ni de tomber dans des excès : par exemple un pantalon trop ajusté ne pourra jamais durer longtemps : l’usure du tissu causée par les frottements sera trop importante. Une veste trop ajustée créera des tensions dans les coutures et amènera des risques d’usure et de déformation.
En revanche, la technicité des tissus nous apporte beaucoup et a beaucoup évolué ces dernières années. Les laines mélangées (avec du lin, de la soie, du cachemire…) sont de plus en plus courantes, tout comme les laines déperlantes, etc. et ces évolutions techniques permettent de nouveaux usages. On redécouvre également des tissus traditionnels comme le Solaro et la laine tropicale d’une grande technicité et dont les qualités sont bien connues des amateurs de costumes.
BonneGueule : Votre gamme à l'esthétique plus italienne : est-ce pour répondre à une demande client, pour diversifier votre offre ?
HdP : La coupe italienne est arrivée plus tard, avec l’envie de se diversifier et d’aborder l’esprit « sprezzatura ». Les coupes droites (modèles Turin, Milan et Rome) puis notre coupe croisée (modèle Naples) sont plus déstructurées, demi-doublée et le montage en arrière de l’épaule est plus arrondi ce qui apporte à ces modèles une sensation de souplesse et de la légèreté.
Nos vestes italiennes ont un point de cintrage légèrement plus haut pour s’ajuster à l’équilibre de la veste qui est légèrement plus courte. C’est très appréciable pour la saison printemps-été, mais aussi dans les vêtements de week-end.
Chez nous, un costume en coupe italienne sera toujours moins formel qu’en coupe anglaise. Les deux styles cohabitent en harmonie dans nos collections et nous ont permis d’adresser une clientèle plus large avec des produits vraiment différents.
Le mot de la fin
C'est un costume au bon rapport qualité/prix que je recommande chaudement. Les finitions sont à la hauteur et le tissu de chez Vitale Barberis Canonico a beaucoup de charme. De plus, je trouve que les poches en biais soulignant le cintrage apportent un caractère certain à l'ensemble.
J'ai été particulièrement séduit par la bande antidérapante permettant d'empêcher la chemise de sortir du pantalon et par les fentes lestées.
On pourra le porter avec ou sans gilet pour adapter au contexte le niveau de formalité de la pièce.
Bref, tous les voyants au vert, on continuera de recommander la marque !