Lorsque je suis arrivé chez BonneGueule, mon intérêt aux vêtements se résumait à m’habiller avec ce qui me plaisait, sans trop réfléchir à développer mon propre style. Maintenant, je prends plaisir à essayer des pièces que je n’aurais jamais mises auparavant. Le gilet est un de ces items que j’appréciais, sans franchir le pas de l’achat pour autant.
Une pièce à l'histoire riche : le gilet
L’ancêtre du gilet s’appelle « le pourpoint », c’était une veste que l’on mettait en-dessous des armures pour se tenir chaud. Au XVIIIème siècle, lorsque le port de l’armure n'est plus nécessaire, « l’habit à la Française » fait son apparition. Il est constitué d’un pardessus, d’une veste et d’une culotte. C’est un peu l’ancêtre du costume trois-pièces.
À la moitié du XVIIIème siècle, la veste perd ses manches par souci de confort et gagne en ornements. Les gilets sont décorés de motifs brodés, l'avant étant souvent réalisé dans une étoffe plus précieuse que l'arrière. Aujourd’hui encore, beaucoup de gilets ont gardé cette "tradition".
Sous le Premier Empire , les pantalons deviennent très haut et les gilets se raccourcissent. C’est en 1830 que le gilet devient beaucoup plus cintré, pour mettre en valeur la taille de l’homme et l'aider à se tenir droit, à l’instar d’un corset pour les dames. Le col change pour devenir moins haut et plus évasé : c’est l’apparition du col châle.
Vers la fin XIXème siècle, le gilet s’élargit en fonction des ventres de la bourgeoisie, qui ne cesse de manger des Big-Mac. On raconte même que le roi Édouard VII avait tellement mangé qu’il est apparu un soir sans avoir boutonné son dernier bouton ; l’habitude est restée et continue encore.
Mais le gilet, sous ses airs de pièce habillée, prend aussi racine dans l’univers workwear. En effet, dans les métiers artisanaux, il permet d’avoir des poches supplémentaires pour y mettre ses outils. Il peut aussi protéger du froid, tout en laissant une mobilité adéquate pour travailler. Un peu plus large que son homologue formel, il est souvent dans une matière plus solide.
Vous l’aurez compris : le gilet - tout comme la chemise - est une pièce qui, selon sa coupe, sa matière et ses détails, peut être un vêtement formel ou workwear.
Comment porter un gilet homme sans ressembler à un bourgeois ni à un menuisier ?
De manière générale, le gilet peut :
- Soit servir de lien entre les différentes pièces,
- Soit être la pièce centrale.
Dans une tenue formelle, choisissez toujours un modèle près du corps, il n'y a rien de plus désagréable qu’un gilet flottant sous une veste. En ce qui concerne les matières, il est préférable de se tourner vers une étoffe très proche du vêtement venant se placer au-dessus. Une veste en lin s’associera difficilement avec un gilet en laine épaisse, par exemple.
En revanche, si le gilet est la pièce centrale de votre tenue, et qu’il ne vas pas être couvert, lâchez-vous au niveau des matières.
La meilleure façon de choisir un gilet formel est de l’acheter directement avec le costume, il se combinera parfaitement avec votre veste. Vous pourrez ainsi jouer sur le col du gilet pour que celui-ci contraste avec le blazer.
Si vous souhaitez dépareiller le gilet, choisissez-le dans une couleur simple comme le bleu, le gris ou encore le beige et, si possible, avec un dos uni pour aussi le porter sans blazer.
Mes nombreux reportages sur le Pitti m’on fait découvrir comment Alessandro Squarzi le portait. C’est une des personnes qui portent le mieux le gilet, que ce soit dans des looks habillés ou casual.
Il adore le vintage et le gilet fait justement partie de ces vêtements qui ont traversé l’histoire. Ce n’est pas un hasard si sa marque Fortela en propose une large gamme. Entre autres, lui m’a mis en confiance dans le port de cette pièce.
Max Poglia est aussi un grand amateur du gilet. Il n’hésite pas à le porter avec un tee-shirt blanc pour le désacraliser.
Après avoir longuement étudié la prise de risques, je me suis donc lancé. Il faut bien retenir que le gilet n’est pas une pièce difficile en soi, mais il faut prendre le temps de développer une base solide à laquelle il viendra apporter son twist. Quand on décide de franchir le pas et d’essayer une pièce qui sort de sa zone de confort, il peut être utile de s’inspirer d’autres personnes pour se l’approprier à son tour !
J’avais vraiment une idée précise de ce que que je voulais : il fallait que ce soit un gilet en denim. Je trouve que cela se rapproche d’une veste en jean, donc sans doute plus facile à maitriser. N'ayant pas l’habitude de m’habiller en costume ni en chemise formelle, je voulais un modèle qui puisse étoffer mes tenues en leur donnant du relief.
Mais avant ça, il me fallait trouver une marque qui maîtrise cette pièce... et Luca m’a parlé d’Hollington.
Hollington : du tailoring, de l'architecture et des vêtements costauds
Anciennement, la marque s’appelait « Schreiber Hollington », car née de la rencontre entre Michel Schreiber et Patric Hollington dans les années 60.
Michel Schreiber est un couturier qui a fait ses armes chez un tailleur, c’est par cette formation qu’il commence à se faire un nom. En parallèle, il intègre une école d’architecture d’intérieur, ce qui va beaucoup l’influencer dans le design de ses vêtements.
D'origines irlandaises, Patric Hollington passe une partie de sa jeunesse en France dans une famille du Pays-Basque où il apprend le Français. Il fait des études de journalisme et commence une carrière à Chypre. De retour en France, il travaille dans un bureau d’achats : sa connaissance du Français et de l’Anglais permet aux acheteurs des Grands Magasins américains de nouer contact avec les fournisseurs de l'Hexagone.
Forts de leurs expériences et de leurs influences, ils décident de créer une marque qui s'inspire des vêtements de travail, en les rendant plus légers, plus agréables à porter, tout en soignant les finitions. Ils retravaillent la coupe avec comme mot d’ordre "le confort", sans oublier l’aspect fonctionnel de ce type de vestiaire. Ils décident de déstructurer toutes leurs vestes en enlevant les entoilages et les épaulettes, pour augmenter la mobilité du porteur. Garder une ligne simple et épurée, c’est tout le travail de Michel Schreiber et Patric Hollington.
Pour ce qui est des finitions, ils ajoutent des boutons et des zips aux poches et, sur certaines vestes, des boutonnières en biais pour faciliter l’attache. Ils ont aussi désacralisé la chemise en lui enlevant volontairement le col, pour empêcher les hommes de porter la cravate. Ils voulaient s’affranchir des codes de l’élégance classique, croyant qu'on pouvait être élégant sans pour autant porter le costume.
Durant les années 70, ils sont considérés comme les créateurs qui ont réinventé le dressing masculin en lui apportant des vêtements déstructurés, avec des lignes simples que l’on qualifie même « d’architecturales ». Ils commencent à habiller les designers, les peintres, les architectes, les acteurs et même des politiciens, qui trouvent chez eux une élégance fonctionnelle en accord avec leurs métiers. On parle même de "snobisme Schreiber-Hollington".
Ce préjugé pèse encore sur l’image de la marque, qui a pourtant su garder son identité en proposant, des les années 70 à aujourd’hui, des pièces emblématiques qui ont traversé les décennies et restent très actuelles.
Le revers de la médaille : la clientèle. En effet, les personnes s'habillant chez Hollington sont relativement âgées et continuent toujours de s’y habiller. Souvent de forte corpulence, elles y cherchent le confort et l'élégance qu’elles ne trouvent pas ailleurs.
C’est tout le travail actuel de la marque que de se rajeunir pour viser une autre clientèle. Pour cela, ils proposent maintenant deux coupes : une, ajustée et l’autre, regular.
Je suis donc allé voir la boutique qui se trouve au 7, rue Racine à Paris (6ème), pour découvrir leurs collections ainsi que leurs pièces emblématiques. J’étais curieux de voir les produits de mes yeux et impatient de pouvoir m'approprier leur style.
Les pièces emblématiques du vestiaire Hollington
Toutes les pièces emblématiques de chez Hollington sont proposées dans un choix de tissus très large, qui va du lin à la laine, en passant par la soie et autres mélanges. Ils accordent beaucoup d’importance aux matières qui proviennent souvent d’Angleterre, d’Italie, de France et d’Inde. Il y a des finitions que l’on retrouve sur la plupart des pièces à manches et qui font la "signature Hollington", j’y reviendrai plus tard.
La veste-chemise Hollington
La veste-chemise est une veste taillée ample, avec des emmanchures de chemise et des poignets boutonnées. Elle est souvent destinée aux hommes un peu corpulents, qui ont besoin de beaucoup bouger.
La veste col charpentier
La veste col charpentier est directement inspirée des vêtements de travail de la fin du XIXème siècle. Celle de gauche, en coton, a gardé toutes les poches plaquées sans rabat qui accentuent son origine. Celle de droite, en seersucker, s'allège et garde juste le col.
Le gilet "20 poches"
Le gilet "20 poches" est une pièce qui sort vraiment de l’imaginaire de Patric Hollington. Il était en train de déjeuner à la terrasse d’un café et s’est inspiré du gilet d’un des serveurs, qui avait une poche pour chacun de ses outils. Il s’est alors dit qu’un gilet avec beaucoup de poches serait très utile pour un architecte et a donc conçu cette pièce, où chaque poche a son utilité. Les professionnels pouvaient y mettre leurs plans, leurs stylos etc.
J’ai donc voulu tester deux des pièces emblématiques de chez Hollington, le gilet "20 poches" et la veste à col charpentier.
Test du gilet "20 poches" en denim Hollington (185 €)
J’ai voulu tester ce gilet car il convient à mon style vestimentaire. Petit à petit, j’ai su développer mon goût pour les vêtements qui ont un héritage workwear et ce modèle, par son histoire mais aussi sa matière, me convenait parfaitement.
Comme son nom l’indique, ce gilet a bel et bien vingt poches (je les ai comptées, rassurez-vous). Ce qui m’a tout de suite frappé, c’est sa coupe. De prime abord, il parait large et très carré mais dès qu’on l’enfile, il vient parfaitement épouser la taille.
La matière vient d’Italie. Il y a un peu d’élasthanne (2%) dans la composition du denim pour renforcer le confort de la pièce. Les fournitures sont de bonne facture, en témoignent les boutons qui sont parfaitement plaqués et droits : il n’y a pas de jeu avec le tissu.
À l’intérieur, on retrouve deux poches :
- Une poche pression pour un accès rapide, tout en maintenant des objets à l’intérieur ;
- Une poche zippée pour les objets plus précieux, qui ne doivent surtout pas sortir.
Au-delà de leur utilité qui n’est plus à prouver, les poches dessinent et structurent l’ensemble du gilet. D'un point de vue esthétique, elles apportent du cachet à la pièce, presque comme un motif.
On ressent vraiment le soin apporté à l’ensemble de la pièce, chaque détail est là pour augmenter sa fonctionnalité. Le gilet reste très confortable tout en gardant un cintrage optimal pour le port d’un pardessus.
Test de la veste "Lyon" rayée à col charpentier (260 €)
Lorsque je suis arrivé dans la boutique Hollington, Alban - qui gère la maison aux côtés de Patric - portait cette veste. Je suis immédiatement tombé sous son charme. Cela faisait longtemps que je voulais une veste de travail dans ce style, sans jamais trouver mon bonheur.
Alban nous a raconté les origines de la pièce et nous a dit qu’elle possédait toutes les finitions « signature » de la maison. C’est ce qu’on va voir ensemble.
La première chose qui saute aux yeux, c’est les poches plaquées qui ne sont pas droites. Le haut des poches est en biais, ce qui souligne vraiment les influences architecturales de Hollington.
Ici encore, la coupe est très bien dosée entre confort et cintrage. Sans padding, la veste épouse parfaitement les épaules. On a l’impression de ne rien porter, on ressent l’importance accordée à la liberté de mouvement. Cela vient de la matière provenant d’Italie qui, comme le gilet, contient de l’élasthanne (1%). Le pli d’aisance, qui fait partie de la signature de Hollington, renforce également le confort de la pièce.
Il y a un soin apporté au travail des poches de devant : aucun surjet de fil, tout est bien rabattu et cousu avec un double-piquage.
Lorsqu’on ouvre la veste, on découvre quatre poches intérieurs zippées, autre élément de la signature de Hollington. La plupart des vestes en est équipée. C’est vraiment pratique pour ne rien perdre lorsque l’on est amené à poser sa veste un peu n’importe comment dans le vestiaire du Titi Twister. De plus, elles sont coupées dans la parementure, d’ailleurs très large sur cette veste.
La confection générale est très bonne ; ce qui m’avait chagriné dans le gilet est ici corrigé...
Cette veste est vraiment un coup de coeur, grâce à son confort et sa coupe. Nombreux penseront que les rayures sont difficiles à inclure dans une tenue mais comme elles sont de couleur blanche et bleue, elles se marient avec la plupart des pièces de ma garde-robe.
Mon avis sur la marque Hollington
Avec ces deux pièces, Hollington réussit le pari d’actualiser des vêtements conçus dans les années 70. En gardant des partis-pris forts de confection, la marque a su créer sa propre signature, tout en y ancrant ses valeurs. Le rapport qualité / prix est excellent pour le niveau de finition et l’attention portée aux matières.
Son objectif est maintenant de toucher une clientèle plus jeune, pour lui transmettre son histoire et ses savoir-faire. Si vous cherchez une veste de travail, avec une alternative plus créative et une identité plus marquée, Hollington saura vous convaincre par son énorme choix de tissus et de motifs.
Cerise sur le gâteau, la marque propose un service de retouches sur place, prêtes le jour-même de votre achat.