Salut c'est moi, Nicolò, qui prend la parole aujourd'hui !
Ça fait longtemps que je n'ai pas parlé de nos vêtements. Mais quand Benoît m'a donné l'opportunité de visiter l'atelier parisien qui produit nos blousons en peau lainée, en pleine production, je n'ai pas hésité !
J'ai donc saisi cette chance d'en découvrir plus sur les coulisses de la fabrication de cette pièce "de luxe". Oui, de luxe. Car la peau lainée, c'est souvent la pièce la plus coûteuse d'un vestiaire. En fait, même les passionnés de la rédaction n'en sont pas tous pourvus, préférant économiser plutôt que se rabattre sur un second choix. C'est dire l'investissement que cela représente.
Ma mission : vous donner mes impressions, vous dévoiler quelques secrets techniques, et vous parler des (vrais) gens qui donnent naissance à vos futurs blousons.
Mais avant de rentrer dans les détails, je laisse la parole aux deux gérants de la tannerie dans le Tarn et de l'atelier parisien. Frère et soeur, c'est une histoire de famille...
La quantité d'opérations manuelles nécessaires
La première chose qui saute aux yeux dans la production d'une peau lainée, c'est que c'est nettement plus laborieux à assembler qu'une pièce en tissu.
Beaucoup d'opérations manuelles supplémentaires sont nécessaires, en plus de l'habituel travail d'assemblage à la machine à coudre.
#1 La coupe, à la main
Pour commencer, la coupe se réalise entièrement à la main, avec un "couteau" , pour un tracé net qui préserve la peau.
Pas de machine à découper comme dans un atelier textile. La découpe, longue et fastidieuse, est une spécialité en elle-même.
Et il n'y a pas de place pour une erreur !
#2 Le tablage, pour donner une forme au cuir
Autre point qui m'a surpris : toutes les parties du blouson qui sont très plates, telles que les passepoils sur les poches, sont aplaties à la main avec un petit marteau, afin de prendre forme.
C'est ce qu'on appelle le "tablage", étape préliminaire à l'assemblage.
Bref, si comme moi vous vous demandiez comment le cuir, souple et lisse, pouvait prendre une forme aussi figée sur un blouson, j'espère que cette info assouvit votre curiosité.
#3 La tonte, pour une coupe au poil
Chaque endroit cousu à un autre morceau de cuir voit ensuite ses jonctions tondues avant assemblage, pour éviter toute surépaisseur disgracieuse.
D'ailleurs, pour vous donner une idée, notre shearling c'est 2mm d'épaisseur de cuir, pour 12mm d'épaisseur de laine ! Une sacrée cuirasse, si je puis dire.
#4 Peignage, pour des finitions parfaites
Une fois assemblées, les différentes pièces du cuir subissent un peignage de leur laine.
Double utilité : obtenir un beau lainage homogène et agréable au toucher, mais redresser le poil qui viendra masquer les coutures entre empiècements et isoler encore plus le blouson.
Voici l'outil de peignage en action.
Petite anecdote : les personnes chargées de coudre et d'assembler les pièces à la machine sont surnommées "les mécas"... Comme des mécanos !
Et vu la puissance et le rythme lourd de ces grosses aiguilles, faites pour transpercer du cuir proprement, je trouve que c'est tout à fait à propos.
"Mais cette laine, elle est douce ou pas ?" 🤔
On m'avait prévenu : la laine des moutons français est un peu moins douce que celle de leurs cousins néo-zélandais élevés pour leur toison. Un discours auquel je me suis habitué depuis notre participation au projet Tricolor.
Cela dit, Grégory, le dirigeant la mégisserie Rial aime bien les peaux françaises, car elles sont bien régulières et souples. Il emploie même les mots "cuir parfaits".
Et finalement, je suis très agréablement surpris ! La tannerie Rial a super bien travaillé ce cuir lainé qui reste très agréable. D'autant qu'a priori, personne n'a prévu de porter cette peau lainée à même la peau.
Je ne la trouve pas beaucoup moins douce que toutes les peaux lainées que j'ai pu toucher, y compris par rapport à des pièces à 7000 ou 8000 $ en explorant des boutiques de luxe lors de voyages.
Un compromis gagnant pour un blouson de qualité ultra-luxe, réalisé en France de A à Z, de la matière première jusqu'à la fabrication.
Une certaine vision du Made in France 🇫🇷
Après avoir parlé technique, j'aimerais évoquer un autre aspect marquant de ma visite.
C'est le premier atelier français que je visite, tout type de confection confondue.
Et si je suis le premier à rappeler qu'il ne faut pas mettre la fabrication française sur un piédestal , je suis ressorti de cette visite avec un ressenti nouveau.
Celui d'une proximité : une proximité géographique, culturelle et surtout humaine.
J'y ai entendu des hommes et des femmes donner vie à nos blousons en échangeant des plaisanteries entre collègues.
Une petite équipe à taille humaine, d'une vingtaine de personnes, qui travaille dans un cadre pas si différent du mien, malgré des métiers très éloignés.
Et... ça m'a procuré une certaine fierté.
C'est assez étrange dit comme ça, mais ça m'a donné l'impression que c'était "encore plus nos produits" que d'habitude.
En fait, lorsqu'on produit des vêtements à l'étranger, c'est différent : on conçoit le vêtement chez nous à Paris, et hop, quelques mois plus tard, il apparaît chez nous sous forme de prototype, dans un carton provenant du Portugal, d'Italie, de Roumanie ou d'Angleterre.
Comme par magie !
Bien-sûr, on est très fiers de chacun de nos vêtements, mais il faut admettre qu'il y a parfois un feeling plus "lointain"...
Tandis que là, ce blouson, il est fait en plein Paris, à 4 km de nos bureaux. Oui, 4 km.
Dans l'hypothèse où j'aurais oublié une info pour cet article, j'aurai pu descendre les escaliers, prendre le métro et poser ma question à l'atelier quelques minutes plus tard autour d'un café.
Un patron rien que pour nous
Il y a surtout des avantages concrets à faire produire en France, à côté de chez nous. Notamment la facilité d'accès à la modéliste de ce blouson : Marlène .
Le modélisme, comme dirait Anaïs, c'est un peu "l'architecture" du vêtement.
Et un patron, c'est comme un plan de bâtiment : si vous voulez une belle maison équilibrée et harmonieuse, avoir les meilleurs ouvriers du monde ne suffira pas si vous n'avez pas un architecte astucieux qui a bien pensé à tout.
Et bosser avec une modéliste, qui fait un patron rien que pour nous, plutôt qu'une simple modification de bases existantes, ça permet d'aller vraiment plus loin.
On est arrivé sur un fit vraiment satisfaisant, sans multiplier les essayages et les modifications.
Une belle coupe ajustée, mais confortable. Vous nous en direz des nouvelles !
"Tu penses vraiment qu'on peut parler de qualité "luxe" ?"
D'après toi Nicolò, on peut déclarer avoir atteint avec ce blouson une qualité similaire aux plus grandes maisons de luxe, qui font des shearlings à 3.000 ou 5.000 euros ?
C'est la question que m'a posé Benoît, de but en blanc, à mon retour de l'atelier.
Eh bien je pense que oui.
Je n'ai vu aucune étape de fabrication qui n'ait pas été réalisée via les procédés les plus soigneux. Et quant aux peaux, tous les morceaux que j'ai vus sur notre production étaient exempts de tout défaut. Ce qui est rare sur de grands empiècements de cuir.
Enfin, c'est un blouson entièrement fait en France, sans aucun compromis.
Bref, à part proposer un design d'avant-garde un peu perché (et ce n'est pas ce que vous attendez de nous je pense), je ne vois tout simplement pas ce que nous aurions pu faire de plus.
Je conclurais donc là dessus : je suis très fier de ce qu'on a fait sur ce blouson. Et pour moi c'est un petit rêve qui se réalise, une sorte d'étape qu'on franchit encore.