Les années 20 sont une période riche pour le sport. Roland Garros s'est ouvert aux joueurs internationaux, le tournoi de golf américano-européen Ryder Cup est lancé et les femmes participent pour la première fois aux Jeux Olympiques.
Le football américain avait tout juste 50 ans ; la ligue de baseball, 60 ans, et la FIFA fêtait à peine ses 20 ans ! La pratique aussi encadrée des sports en extérieur était finalement récente.
Le sport se démocratise et la demande de vêtements sportifs ne fait qu'augmenter. Pourtant, on se concentre encore sur le seul besoin primaire de ne pas avoir froid, sans trop réfléchir au reste.
Souvenez-vous de vos cours de sports en extérieur, les matins d'hiver, lors de votre scolarité : être au chaud au bon moment, en attendant que le corps se réchauffe par l'activité physique, était tout simplement vital pour votre santé. C'était déjà pareil dans les années 20 : on s'est vite aperçu qu'un vêtement ayant pour rôle de garder la chaleur, en ne gênant pas les mouvements, était absolument indispensable.
C'est donc une période déterminante pour le sportswear, puisqu'il verra naître l'une de ses principales pièces : le sweat-shirt.
Jusqu'à lors, les sportifs portaient une espèce de chandail gris en laine, pour se réchauffer avant et après l'effort. Portés à même la peau - le tee-shirt n'avait pas encore fait tout son chemin - ces modèles étaient particulièrement lourds et inconfortables. On raconte aussi qu'ils mettaient énormément de temps à sécher, sans compter leur tendance à rétrécir au lavage.
Bref, ce problème de protection thermique pour les sportifs en extérieur n'avait toujours pas été résolu de manière satisfaisante. Mais ce n'était qu'une question de temps...
La donne ne changera qu'à la fin de la décennie grâce à Bennie Russell, alors étudiant et joueur de foot à l'université d'Alabama.
Bennie était l'héritier de la société éponyme Russel, spécialisée dans la fabrication d'union suits pour femmes et enfants.
Lassé de devoir se coltiner une maille qui gratte et pleine de sueur, il décide de s'inspirer des produits de l'usine familiale. S'appuyant sur le haut de l'union suit qu'il améliore, il obtient ainsi une pièce légère, sans col, en épais tissage de coton, nettement plus agréable que son homologue en laine. Le premier sweat était né.
De là, Russell Sr. envoie des sweats à plusieurs revendeurs : tous connaîtront un incroyable succès. La marque abandonnera vite les union suits pour se spécialiser dans l'équipement sportif, encore à ce jour.
Son intégration dans le vestiaire preppy
Le sweat fera rapidement son entrée au sein du vestiaire preppy, largement influencé par l'habillement des étudiants en université.
Très logiquement, son instauration par Bennie Russell - étudiant à Yale - y a contribué. Cela étant, c'est à une autre marque que l'on doit la transformation du sweat comme pièce preppy à part entière : Champion...
Lancée en 1919 par les frères Feinbloom, l'usine de tricot s'est ensuite spécialisée dans la production de sweat-shirts et sweat-pants. Se rapprochant de l'Université du Michigan, elle a commencé à lui fournir l'équipement pour ses différentes équipes.
La marque le dit elle-même, le bouche-à-oreille a joué un rôle considérable dans son développement : les coachs de l'Université du Michigan ont chanté les louanges de Champion à leurs confrères d'autres facultés, jusqu'à ce qu'elle atteigne une forte réputation.
L'impact de Champion s'explique par une idée de génie, puisque c'est l'entreprise qui a inventé le principe de flocage tel qu'on le connaît aujourd'hui. Plus besoin d'avoir recours à de lourdes broderies ! Le sweat n'était plus juste une pièce fonctionnelle, c'était aussi un moyen d'afficher les couleurs de son équipe et, surtout, de montrer son appartenance à sa fac !
Démocratisé grâce au cinéma
Le sweat reste le propre des sportifs et des étudiants jusqu'en 1963. Encore une fois, c'est au fameux Steve McQueen - a.k.a. le King of Cool - que l'on doit sa démocratisation de façon si importante. Il lui aura suffit de le porter dans le film The Great Escape pour que le sweat sorte définitivement de son cadre strictement sportif et étudiant.
Replaçons les choses dans leur contexte. Bel homme, viril, charismatique, cool : McQueen était une véritable icône. Si l'idéal de l'Amérique s'y mettait, pourquoi s'en priver ?
Observez d'ailleurs comment le sweat est porté, on est loin d'un look lisse. Au contraire, on oppose la pièce à une flight jacket en cuir, originellement réservée aux soldats de l'aviation. La patine est vraiment marquée, c'est la veste d'un homme qui a vécu des aventures (je caricature un peu mais vous voyez l'idée). Dans le même esprit, le haut est poussiéreux et son bleu un peu passé, loin du preppy gentillet de la Ivy League.
Le sweat-shirt dans les années 70 à 90
Le sweat viendrait-il de devenir badass ? 😉
Au cours des années 70, on perdra de l'intérêt pour le sweat qui réémergera progressivement. Si la culture du surf a joué dans ce retour , c'est aussi et surtout le hip-hop des années 80-90 qui le remettra sous le feu des projecteurs.
Quand le luxe s'empare du sweat
Ce n'était plus qu'une question de temps avant que le luxe ne s'en empare à son tour. On peut notamment citer Tommy Hilfiger (qui a très vite adopté une stratégie de rapprochement avec les artistes musicaux), sans oublier le sweat par Calvin Klein.
Pour ces dernières années, la palme du sweat-couture-hype revient à Kenzo, qui a eu un énorme coup de boost dans son chiffre d'affaires en vendant des sweats basiques brodés à 200 € (bonjour les marges bien juteuses)...
Tout laisse à penser que le sweat s'est aujourd'hui installé pour ne plus repartir. C'est une pièce facile, socialement acceptée sans aucun problème.
Un peu à la manière du tee-shirt (le côté revendicateur en moins), le sweat a traversé plusieurs strates différentes de la société, devenant ainsi une pièce transverse à plusieurs styles. Il était donc normal qu'on s'y intéresse pour notre Ligne BonneGueule...
Pourquoi un sweat dans la Japan Line ?
Je me suis tout simplement aperçu que c'était l'une des pièces que nous portions le plus au quotidien, Geoffrey et moi !
À part l'été, j'en porte quasiment tous les jours pour deux raisons :
- C'est très confortable grâce au coton ! Même s'il n'est pas aussi réputé que le mérinos pour ses propriétés thermiques, j'ai personnellement toujours trouvé sa chaleur très agréable et "polyvalente", notamment face à un gros pull en laine où il est possible d'avoir un peu trop chaud.
- J'aime beaucoup le style d'un sweat dans une tenue. Depuis quelques années, c'est une pièce qui a totalement perdu sa connotation ado, trouvant parfaitement sa place dans une tenue "casual chic" (je n'aime pas cette expression mais elle est très parlante), même après 40 ans. Ce n'est pas Alessandro Squarzi qui dira le contraire, lui qui le porte avec un jean blanc et des sneakers, ou avec un jean brut, des derby et un manteau long.
Du coup, l'absence de sweat dans la Ligne BonneGueule était une anomalie qu'on se devait de corriger, mais en prenant notre temps. Il était clair qu'il devait être dans la Japan Line car une fois qu'on a goûté aux molletons japonais, il devient difficile de vouloir autre chose.
Je souhaitais une matière qui reste stable dans le temps. En effet, si certains molletons sont très élastiques, ils peuvent rapidement "pocher" au niveau des coudes ou de la taille, le sweat perdant sa forme.
Avec ce cahier des charges, Alexandre s'est donc tourné vers Toki, un fournisseur japonais dont on a plusieurs fois parlé dans ces colonnes.
Un molleton gris chiné de chez Toki, développé exclusivement pour nous
Un fabricant vieux de deux siècles
Si vous nous suivez depuis un certain temps et que vous connaissez les marques dont on parle régulièrement, ce nom vous dit sûrement quelque chose mais j'aimerais que l'on s'attarde dessus.
Toki, c'est le fournisseur japonais connu pour son utilisation de machines vintage datant du XIXème siècle pour le tricotage du molleton (oui, on parle bien de tricotage et non de tissage).
Le tricotage est plus long mais présente l'intérêt de préserver davantage la matière : étant donné la lenteur, il y a moins de frottements, il est plus "doux" pour le fil de coton. C'est un peu la signature de la Maison.
Pourtant, tous les molletons que Toki vend ne sont pas forcément tricotés sur ces machines que les Japonais qualifient de "slow vintage". Parfois, la texture voulue par le créateur est trop compliquée pour ces machines au moins centenaires, et il faut passer par des modernes.
Pour les plus curieux, j'ai déjà bien détaillé l'histoire de ce fabricant dans le cadre de notre collaboration avec Benjamin Jezequel, il y a déjà plus de deux ans. Quant aux autres clients de Toki dans l'Hexagone, la plupart sont de grandes Maisons de luxe, celles-là mêmes qui ont leurs boutiques rue Montaigne.
Note : le molleton de notre sweat gris est plus dense et épais que notre collaboration avec Benjamin Jezequel.
SV pour un tricotage Slow Vintage...
En l'occurence, le code produit utilisé en interne par Toki pour désigner le molleton de notre matière commence par "SV", pour Slow Vintage.
Le sweat que vous aurez entre vos mains est donc bien issu de ces vieilles machines.
C'est leur ancienneté et la lenteur du tricotage qui crée ce chiné et ces irrégularités caractéristiques des matières japonaises.
Et quand je parle de "lenteur" de production, c'est vraiment le cas. Jugez plutôt : une machine vintage produit entre 20 et 30 mètres de matière par jour (plus ou moins 3 mètres par heure en fonction des machines), contre plusieurs milliers de mètres par jour pour une machine dernier cri !
Si vous regardez l'envers de la matière, vous verrez une jolie boucle, au rendu typiquement japonais. À noter que nous avons choisi de ne pas gratter le molleton sur l'envers, car le rendu était trop sportswear à mes yeux : je trouvais ça dommage de cacher le dessin des boucles. C'est assez compliqué à décrire, mais il y a un mélange de minutie et d'irrégularité.
Ici, la matière est tricotée de manière tubulaire. En provenance du Japon, elle arrive donc en France chez notre façonnier où elle est coupée, puis part vers son outil de production situé en Roumanie pour être assemblée.
Enfin, la matière a été lavée en usine avant la découpe pour la stabiliser. Cela paraît simple dit comme ça mais demande une petite logistique, car une fois arrivée chez notre façonnier, elle repart chez un laveur spécialisé avant de revenir à l'usine.
La matière Toki, garante de la justesse de la coupe
Il s'agit d'un coton chiné plus dense et plus compact que la moyenne.
Pour une même surface de molleton, il y a donc plus de fils utilisés.
Cela permet d'avoir une coupe un peu plus structurée, notamment au niveau des épaules, car la matière est moins "molle" qu'un molleton de base.
Une couleur exclusive
Le développement matière est exclusif : ce coloris n'existait pas dans la qualité de molleton que nous voulions, Toki l'a spécialement réalisé pour nous.
Vous savez que nous aimons le gris clair en hiver, principalement pour sa capacité à "éclairer" une tenue.
Il était donc logique de partir aussi sur cette nuance ici, de telle manière que même si vous portez le sweat avec un jean gris, il sera toujours plus clair que ce dernier.
La "règle du bas plus foncé que le haut" (ce n'est pas un dogme hein) sera respectée.
Personnellement, je trouve d'ailleurs que cette couleur fait bien ressortir un col de chemise dans une jolie matière, ou un accessoire coloré.
Une poche zippée invisible
C'est une question qui nous a longtemps trottée dans la tête avec Alex : comment apporter plus de valeur ajoutée à un sweat, en plus d'une belle matière japonaise ?
On a donc décidé d'ajouter une poche invisible sur le côté droit, avec un curseur de zip ton sur ton, qui se fond parfaitement dans la couture.
C'est une poche où vous pouvez mettre une petite clé, votre ticket de vestiaire, vos écouteurs, bref, tous les trucs dont on ne sait pas quoi faire quand on ne porte pas un haut à poches comme un blouson ou une veste.
Petit détail sympathique : le fond de poche est en coton chiné.
Des finitions haut de gamme, pas d'amalgame
Le choix du bord-côte est crucial dans un sweat (c'est la matière élastique qui enserre les manches et qu'on retrouve à la taille).
Ici, ils sont tricotés dans le même fil et, surtout, il y a une petite surpiqûre sur la manche.
C'est une finition plus coûteuse, car elle demande une opération supplémentaire, mais permet d'affiner la manche en évitant la formation d'un "bourrelet".
Comment taille notre sweat ? Le paragraphe important !
Vu la densité de la matière, et le fait qu'elle soit compacte, elle n'a pas le même stretch qu'une matière plus légère et plus aérée. Le ressenti pendant l'essayage peut paraître plus "étroit", même si cela reste très confortable.
Il s'agit clairement d'un sweat fitté, nous avons délibérément voulu éviter le côté trop ample des sweats des années 90. Il est donc près du corps et, si vous êtes régulièrement entre deux tailles chez nous, prenez la plus grande.
Quid de l'entretien ?
Comme d'habitude, passez-le en machine à essorage minimum. Et comme toujours, pas de sèche-linge. Sinon c'est le coup de katana.
Comment porter un sweat gris ?
S'il y a bien une pièce facile à porter, c'est celle-ci !
Aujourd'hui, l'intégration du sweat est telle que tout le monde peut en porter. À la question "Un sweat convient-il à n'importe quel âge ?", la réponse est un grand oui.
L'important est de respecter un certain équilibre des coupes et choisir un modèle sans fioritures, de sorte de conserver une maturité dans le look.
Allez, on passe aux inspirations 😉
Le sweatshirt Toki "slow vintage" est à présent disponible
Vous pouvez le commander dès maintenant dans la partie shop.