Samedi 04 janvier, 10h. Armés de gobelets Starbucks et d’iPhones 11, cachés sous des lunettes de soleil masquant leur gueule de bois, des modeux s’attroupent par dizaines devant un hangar.
Certains tapent la pose devant les photographes, priant désespérément pour finir sur un blog de street style, quand d’autres prennent soin d'afficher leur géolocalisation sur chaque selfie partagé via Instagram. Les Uber s’enchaînent, les flashs crépitent (les egos se gonflent); la fashion week commence...
L’édition londonienne diffère de ses rivales italienne et française. Plus courte, elle ne possède pas non plus de tête d’affiche. Aucune grande maison à la Dior ou Armani, ni de label ultra branché du genre Off-White.
Sans s’avouer vaincue, la scène anglaise fait la part belle aux talents émergents. Elle s’impose comme un laboratoire d’expérimentation suintant la jeunesse par tous les pores, où ce qui lui manque en « héritage » est compensé en audace.
Alors, que nous réserve-t-elle pour l’hiver prochain ?
Ce qu'il faut retenir : les astuces à piquer…
Enfant terrible des fashion weeks, Londres mise cette fois-ci sur un étonnant pragmatisme. De quoi choper plusieurs idées.
1. Un costume pas si formel
Si vous avez déjà l’habitude de remplacer le pantalon par un jean, il y a d'autres pistes à creuser.
Par exemple, un jogpant, que l’on choisira plus ou moins « noble » pour maintenir un équilibre.
À l'inverse, des imprimés colorés et des matières soyeuses, complétés de pièces plus neutres, garantiront une allure originale. D'autant plus avec un blazer oversize, ou une saharienne rehaussée de détails.
2. Streetwear 3.0
Retour aux fondamentaux : le streetwear réhabilite le survêtement.
Quitte à vous y essayer, choisissez un ensemble sobre, ou commencez par le bas uniquement, idéal avec une veste en jean et un tee-shirt structuré.
Autrement, on peut encore compter sur un hoodie et son pouvoir tout-terrain.
3. La mode de la montagne
Combinez pantalon formel et doudoune, ou parka rembourrée. Chemises casual et petites mailles termineront le look sans trop en faire, pour un résultat confortable et spontané.
De même, on peut envisager la polaire, travaillée sous forme de blouson ou de sweat.
4. Du dark, du cuir et de la poésie
Plusieurs interprétations du pantalon en cuir possibles, de préférence une coupe droite afin de s’éloigner de l’effet biker.
Pièce forte en soi, complétez-la d'éléments « dociles » : une chemise casual, un pull écru, un pardessus camel... Côté chaussures, des sneakers finiront la tenue avec légèreté, plutôt que des boots.
Sinon, il reste la figure du poète torturé ? que Vianney avait déjà développée dans son article sur Transit. . Plus abordable, elle s’appuie sur une élégance teintée de spleen, misant sur des laines rugueuses, des blazers sombres et des chemises texturées.
5. Workwear sous la bannière
L'heure est au militaire.
Le camo cède sa place aux kaki et beige classiques, se prêtant à quasi toutes les couleurs. À porter sans se poser de questions.
Très présent, le cargo s’associera avec une chemise casual, un tee pour un look efficace, ou une maille à gros point pour une carrure soulignée.
6. Cocktail casual
Mélangez les styles à l’image d’une mosaïque de vos influences ; le contraste est la clef.
N'hésitez pas à jouer sur les accessoires — bob vintage, sac patiné, casquette de sport... — pour exprimer votre personnalité, et osez la couleur.
Les coupes tendent globalement à s’évaser, apportant une nouvelle dynamique à la silhouette.
Le plus intéressant : commencer par des pantalons — tous genres confondus —, avant de progressivement passer au full oversize si l'envie vous prend...
Jour #1 — Entre classique anglais et streetwear rebelle
Pour vous donner un ordre d’idée, huit des onze marques défilant aujourd’hui n’existaient pas il y a encore trois ans.
Hormis quelques exceptions sponsorisées par le Cirque du Soleil, leurs visions restent globalement portables. Au programme, du costume à toutes les sauces, un streetwear affirmant sa diversité, et un air de montagne…
1. Un hooligan à Buckingham : le renouveau de l'élégance
Après les années 2010, leur streetwear et les campements devant les boutiques Supreme, cette décennie serait celle d'une nouvelle élégance...
Boulimique, elle ingurgite les codes d’une multitude de styles pour produire des coupes XXL, tandis qu'elle troque le pantalon formel contre un cuir et une résille dignes du Berghain.
Bref, ce bon vieux sarto se paye un lifting. Mêlez-le donc aux influences qui vous font vibrer : pull à l’imprimé abstrait, blazer oversize de friperie, cargo et manteau à carreaux…
Dites-vous juste que ce domaine n’est pas si sérieux, et que les contrastes l’enrichissent. Soyez spontanés…
2. La rue face au Brexit : un streetwear aux mille couleurs
Depuis son annonce, le streetwear londonien se bat fermement contre le Brexit. Après des appels au « non », suivis de slogans résistants, il crie « F*ck Boris » en célébrant le multiculturalisme.
Difficile à retranscrire tant elle est propre au Royaume-Uni, cette idée témoigne des liens profonds entre mode et politique.
Sinon, rien ne vous empêche d'acheter un bomber en wax ou un sweat à motifs ethniques... à condition de vous intéresser à leurs origines.
3. Le gorpcore, vestiaire du trappeur urbain
Les adeptes d’outdoor — et de régimes — connaissent déjà le gorp, cocktail de fruits secs aux vertus sur-vitaminées. La poignée de noix de cajou donne son nom au gorpcore, tendance s’inspirant du dressing de montagne.
Chaud et confortable, vous vous y adonnez peut-être déjà, ne serait-ce qu’en portant une doudoune ou un gilet matelassé. Autre option polyvalente : les hiking boots, s’accommodant des jeans bruts, pantalons militaires et flanelles à motifs.
La polaire connaît aussi son heure de gloire. Plus sophistiquée, elle imite même le shearling, pour des pièces hybrides qui trouveront facilement leur place dans des looks casual.
Tâchez simplement d’éviter la cagoule, plutôt risquée par les temps qui courent...
Jour #2 — Dark ou workwear, pourquoi choisir ?
Journée la plus chargée du calendrier.
D’un côté, on continue de développer les idées de la veille : le costume se dévergonde, la rue rappelle son ouverture culturelle, et Bibendum va en rave party à Val d’Isère.
De l’autre, une atmosphère pesante enveloppe les collections. À croire que les inquiétudes de la société britannique, carburant au Valium à l’approche du Brexit, se cristallisent sur les podiums.
Les designers peignent alors un tableau ténébreux, à grand renfort de références militaires...
1. Apocalypse now : entre influences dark et élégance torturée
Soutane façon techwear ninja, pantalon lacéré, veste en vinyle… Les partis-pris sont tranchés ; les matières souvent de couleur noire.
Le cuir se taille la part du lion. Si l’on se passera du full look, on peut facilement l’imaginer sur une pièce autre qu'un blouson.
Par exemple, une chemise souple sur un col roulé, ou un tee-shirt en veau velours, dompté par un pantalon neutre.
Autrement, il y a toujours ce bon vieux perfecto...
Dans un autre genre, certains tentent le costume de poète maudit, fait de laine usée, de coupes vintages et de citations de Nietzsche.
Recherchez des nuances volontairement ternies et des matières avec du grain. Idem pour les chemises, typiquement des modèles en lin. Flasque de bourbon en option.
2. Workwear : un hiver pour les soldats urbains
Alors que la Troisième Guerre mondiale n'est qu'à un tweet, le kaki et le beige devraient fleurir l’hiver prochain.
Le cargo domine, décliné en toile, ripstop, ou croisé à des notes streetwear. Éloigné de ses origines, il amène une forme d'originalité facile à maîtriser (mention spéciale à la version denim).
Autre possibilité : le gilet à poches. Pratique, il se prêtera surtout aux tees et sweats à capuche. S'agissant d'une pièce forte, choisissez-le sobre, en nylon noir notamment. Finitions soignées indispensables, pour éviter l'aspect "chasse et pêche".
Côté manteaux, on se la joue long et nonchalant. Un brin casse-gueules, ils peuvent offrir un nouvel élan à une tenue casual en jouant sur les proportions. Pas d’astuce miracle ici : essayez, vous verrez bien.
Si le registre militaire nous semble évident, Londres n’a pas pour habitude d’autant s’y intéresser. Preuve que les classiques restent toujours dans l’ère du temps.
Jour #3 — Casual hybride et survêtements de créateurs
Dernière étape de notre séjour au pays du fish & chips. Deux défilés seulement et à peine plus de présentations, pour une conclusion plutôt sage.
Comme hier, des troupes armées se détachent des mood boards pour envahir notre dressing. Entre chantier et champ de bataille, le cargo triomphe, pendant que le cuir poursuit son avancée.
Côté nouveautés, deux plats figurent au menu : un cocktail de styles, et des airs de sportif sans lever un gramme de fonte.
1. Mélange d’influences : un casual (chic) à la croisée des genres
Les répertoires s’allient pour produire une allure riche. Un mix de pièces au style pluriel, penchant au choix vers l’élégance ou la décontraction, qui amènent du relief dans nos tenues de tous les jours.
On retrouve ainsi le combo pull à col montant et pantalon formel. Ce dernier se fait plus large : droit, carotte, fluide, structuré par des pinces... On s’ouvre (volontiers) à des coupes plus amples.
Réclamant un minimum de maîtrise, un look entièrement oversize représente une bouffée d'air frais après l’ère du « tout fitté ». À ceux qui essaieront, commencez d'abord par clairement distinguer matières et/ou couleurs, pour éviter un effet de masse.
En outre, cette saison brouille la frontière entre basique et pièce forte.
Jouant sur les volumes et les matières, elle taille un chino dans une toile technique à oeillets — la version simple suffira —, puis accentue la carrure d’une veste en denim par des surpiqures placées habilement.
Bref, vous connaissez la formule. Vive les contrastes.
2. Se mettre au sport (ou pas) : le retour du survêtement
En overdose de la vague post-soviet’ incarnée par VETEMENTS, les créateurs se tournent vers des basiques du streetwear, ressuscitant le survêtement au passage.
Modernisé, il s’appuie sur des détails recherchés, quand il ne se superpose pas à une chemise. La track jacket opère aussi sa mue, tenant davantage de la parka ou du blouson ? Aperçu hier. .
Des propositions difficiles à trouver hors labels premiums, peut-être plus encore à appréhender, mais qui ouvrent un tout nouveau terrain d’interprétation.
En attendant, vous pouvez vous faire la main sur des joggings sortant de l'ordinaire — flanelle, nylon technique, couleur profonde, motifs pointus, etc. —, avant d'adopter la veste assortie...