Chez certains, le costume est parfois source de paradoxes : on aime son élégance, mais au bout d'un moment, on est lassé de l'écrasante majorité de coloris austères et communs.
On se met donc à vouloir un costume avec une matière plus forte et/ou plus exclusive. C'est ce qu'on a voulu explorer avec notre nouveau costume.
L'objectif dans ma tête était ambitieux : donner envie de porter ce costume à ceux qui n'aiment pas le costume.
Ma mission sera réussie si, lors week-end décontracté, entre porter une tenue habituelle et ce costume, vous choisirez notre costume. Pas pour aller travailler, mais pour un dîner entre amis par exemple. Avec vos sneakers, ou une paire de brogues.
Et là, seulement là, je pourrai considérer qu'on aura réussi à décontracter le costume !
Dernière chose : je voulais un costume qu'on puisse dépareiller très facilement, afin de pouvoir porter la veste et le pantalon séparément dans une grande variété de tenues.
Une fois n'est pas coutume, j'aime tellement ce costume que j'ai voulu m'amuser un peu avec, et vous montrer son potentiel quand il est porté "normalement" (chemise, cravate, souliers) :
Avec ce cahier des charges tourné vers la décontraction, il n'était pas envisageable de prendre une laine peignée toute plate. Il fallait du relief, du motif, de la nuance, et s'il y a bien un fabricant qui pouvait nous satisfaire sur tous ces points là, c'est l'italien Ferla.
Ferla, un luxueux drapier italien… centenaire !
Je vais être direct : j'adore Ferla.
Et c'est là que… le premier problème arrive !
D'habitude, les fournisseurs italiens ont une communication très "explicative". Regardez tous les contenus de Vitale Barberis Canonico, d'Albini ou de Candiani.
Ils ont vite compris que le marché était en demande d'explications, d'images d'atelier, de pédagogie. Et les plus gros ont lourdement investi en ce sens .
Par contre, chez Ferla, il n'y a pas grand chose à se mettre sous la dent.
C'est d'autant plus surprenant pour une entreprise aussi ancienne, aux archives mondialement célèbres, qui doit avoir une tonne de trucs à raconter, et dont la créativité est sans égale (je reviens sur ce point dans un instant).
Une lueur d'espoir subsiste : ils nous ont dit qu'ils accepteraient d'ouvrir leurs portes à nos caméras si notre collaboration venait à s'installer dans la durée… On espère très fort revenir avec un beau reportage vidéo pour l'année prochaine !
Malgré tout, menons l'enquête, et voyons ce que nous pouvons récupérer comme informations pertinentes…
Une petite entreprise familiale avec un siècle d'existence
Ferla emploie 40 personnes, c'est très peu pour un drapier italien ! D'ailleurs, quand je parle de Ferla à d'autres fournisseurs italiens pour dire que j'aime sa créativité, on me répond à chaque fois "oui mais tu sais, Ferla ce sont des artisans, c'est pour ça qu'ils sont si chers".
Alors que les drapiers italiens essayent de tirer les prix vers le bas pour rester compétitifs, Ferla a fait le choix inverse, à savoir de rester très clairement dans le haut de gamme, avec une offre singulière et créative.
C'est comme ça que cette toute petite entreprise a su se faire une place de choix parmi toutes les marques de luxe .
Pour l'anecdote, ils n'ont que deux clients français : une très grande maison de luxe et… nous ! Enfin, chose étonnante pour un fabricant italien : du fait de leur savoir-faire unique, ils sont assez secrets, et peu d'informations circulent à leur sujet .
Selon moi, il y a trois points qui rendent le positionnement de Ferla singulier :
La touche Ferla #1 : une créativité caractéristique
Une touche inimitable ! (crédit photo : Ferla)Ils sont créatifs, mais ça reste toujours de très bon goût, et élégant, ça ne part dans tous les sens avec des choses WTF et importables. Bref, ils ont des tissus vraiment spécifiques, très facilement reconnaissables.
La touche Ferla #2 : un sens inégalé de la texture
Ils sont à fond dans la boucle et la texture, ce qui donne à leur tissu une main "signature", très difficile à trouver ailleurs. Et croyez-moi, pour avoir longtemps cherché des équivalents autant texturés et créatifs, je sais de quoi je parle !
Pour ça, ils n'hésitent pas essayer de nombreux mélanges avec de la laine, de la soie, du lin, du mohair, de l'alpaga, et quand c'est nécessaire, du polyamide pour apporter de la solidité.
La touche Ferla #3 : des spécialistes du baby alpaga… mais pas seulement
Ce sont des spécialistes du baby alpaga, ils ont des collections de tissus entières sur ce thème. C'est une matière qui n'est pas facile à travailler de manière créative et eux, ils proposent toujours des dessins supers sympas. D'ailleurs, très très peu drapiers italiens s'aventurent.
Ils utilisent aussi abondamment du mohair, car ils sont très friands de ces laines luxueuses et duveteuses.
Ferla, c'est un peu mon petit plaisir quand je suis en salon professionnel. Je tiens absolument à passer sur leur stand (bien trop petit et discret par rapport à leur valeur ajoutée, on ne tombe pas dessus par hasard) parce qu'on en prend plein les yeux avec leurs nouveaux tissus.
Un prince de Galles avec un mélange baby alpaga, coton, polyamide
A la base, ce tissu est un prince de Galles. Mais tout le savoir-faire de Ferla a été de le décontracter grâce à la texture bouclée dont il a le secret et à l'utilisation de baby alpaga.
Voici la composition exacte :
- 38 % de baby alpaga
- 33 % de coton
- 29 % de polyamide
Vous vous demandez sûrement pourquoi il y a près de 30% de polyamide dans cette matière. Il est pour une fois très utile : il permet d'obtenir l'effet de bouclette qui donne tout le charme de ce tissu. S'il y en avait pas, la matière se déliterait trop facilement, car c'est le polyamide qui donne de la structure et de la robustesse.
Est-ce qu'au porté on sent le polyamide ? Réponse courte : non.
Lors de mes essais personnels, où j'ai porté la veste dans plusieurs températures, je n'ai rien noté de particulier par rapport à un 100 % laine : pas de sudation excessive notamment. Je pense que c'est dû au coton qui apporte de la légèreté.
Cet effet de bouclette obtenu grâce au polyamide devient vite hypnotique. Il y a comme un léger "flou" sur le motif, et c'est surtout une matière incroyablement riche en nuances. C'est donc un prince de Galles vraiment pas comme les autres, bien plus moderne que le prince de Galles "premier degré" qu'on voit un peu partout.
Pour les plus techniques d'entre vous, le poids de la matière est de 290g par mètre linéaire ou, en mètres carrés, 190 g/m2, ce qui fait un costume tout à fait adapté pour l'automne, l'hiver, et le printemps.
L'élément star de cette matière, c'est évidemment le Baby Alpaga, c'est lui qui donne cette cette aspérité si difficile à trouver ailleurs, difficile à décrire par écrit.
C'est à la fois doux, mais avec du grain, et le touché, le tombé, ont un côté "velouté".
Qu'est-ce que le baby alpaga ?
C'est une espèce de camélidés d'Amérique du Sud, qui comprend également les lamas et les vigognes. Etant donné qu'ils vivent en altitude dans les Andes, ils ont une toison pour les protéger du froid, et c'est précisément ce qui nous intéresse !
Leur particularité ? Ils ont un visage souriant quand on les regarde de face :
Ça se mesure comment du Baby Alpaga ?
Quelques mythes subsistent autour du baby alpaga : certains affirment que c'est la première tonte du petit alpaga âgé d'un an ou deux, etc.
Oui, ça peut être le cas, mais le terme "baby alpaga" désigne simplement la finesse de la fibre. Un adulte ayant une toison très fine pourra produire des fibres de grade "baby alpaga".
Evidemment, on a effectivement bien plus de chances de trouver cette finesse sur des alpagas âgés de 1 ou 2 ans à la première tonte que sur un adulte ! D'où le nom de "baby alpaga".
Attention, en fonction des pays, la classification du grade "baby alpaga" ne représente pas forcément la même épaisseur de fibre. Mais on peut dire sans se tromper qu'entre toutes les classifications, cela représente une épaisseur entre 18 et 23 microns.
Dans le cas de l'alpaga utilisé dans cette matière, Ferla nous a dit que c'est une fibre de 19 microns.
Dans le système de classification américain, c'est le grade suprême : la dénomination "royal baby alpaga", qui correspond à des fibres d'alpaga dont la finesse est égale ou inférieure à 19 microns.
En Europe, il faut avoir des fibres inférieures ou égales à 18 microns pour être considéré comme du Royal Baby Alpaga. C'est pour ça que sur l'étiquette de composition de Ferla, c'est inscrit "Baby Alpaga" et non "Royal Baby Alpaga" .
Parmi ses avantages :
- elle est hypoallergique vu qu'elle ne contient pas de lanoline contrairement au mouton
- ses propriétés thermiques, de par la finesse de la fibre, sont très proches de celles du cachemire
- et évidemment, c'est une fibre très douce et résistante !
Enfin, c'est une matière rare, puisque selon Ferla, elle représente 1,5 % de la production de laine d'alpaga. Autant vous dire que vous toucherez cette matière pour la première fois, vous serez bien attentifs !
Un coloris rien que pour nous
A noter que c'est un coloris qui a été créé spécifiquement pour nous . A la base, ce dessin existait déjà dans des couleurs beaucoup plus fortes. Mais au vu du mélange de matière, du motif, et de la texture, on s'est dit qu'il y avait plutôt besoin d'une couleur plus sobre, en l'occurence, du gris, pour avoir un rendu moins contrasté.
Et avec un fabricant qui a un goût aussi juste sur les couleurs, ça n'a vraiment pas été compliqué d'obtenir le "juste" gris.
Des quantités revues à la hausse… grâce à l'engouement de l'équipe BonneGueule
D'ailleurs, au vu du prix de la matière, on avait prévu de sortir 180 costumes.
Mais il y a eu un tel engouement dans l'équipe sur ce costume, qu'on a décidé de planifier directement un réassort automatique pour fin janvier…
Concernant le prix, je vais être honnête, vu que c'est l'une des matières les plus coûteuses que l'on ait utilisée (dans le top 3 avec les blazers laine/lin/soie et laine/soie/cachemire), c'est un costume qui ne pouvait pas être en-dessous des 600 €, le prix habituel de nos costumes. Eh oui, la matière coûte deux fois plus cher qu'un très bon tissu 100% laine.
A porter dépareillé
Avec un tissu aussi décontracté, c'est un costume parfait à porter dépareillé, c'est-à-dire d'avoir une tenue avec la veste, mais sans le pantalon. Et vice versa.
Du côté de la veste, vous pouvez la considérer comme un blazer à part entière qui se portera facilement avec un jean, un chino ou un pantalon en flanelle de laine. La coupe est la même que nos blazers habituels, vous serez donc en terrain conquis.
POUR CE BLAZER, NOS HABITUELLES FINITIONS HAUT DE GAMME
DES BOUTONS EN CORNE
Comme sur tous nos blazers et manteaux, ce sont de beaux boutons en corne que vous trouverez.
LES "KISSING BUTTONS"
C'est un blazer muni de "kissing buttons" : les boutons se chevauchent légèrement, et c'est un autre clin d'oeil à l'univers tailleur.
LES COUTURES GANSÉES
Etant donné que ce blazer n'est pas doublé, toutes les coutures sont visibles.
Il est donc nécessaire de ganser minutieusement chaque couture. C'est plus long, mais tellement plus beau !
UNE PARMENTURE AMÉRICAINE
Même si ce n'est pas évident au premier abord, la photo ci-dessous montre l'intérieur de la veste, au niveau du pan avant gauche. Vous voyez qu'il n'y a pas vraiment de doublure, mais que le tissu extérieur revient à l'intérieur de la veste.
On appelle ça une parementure américaine.
C'est plus coûteux à faire car cela demande d'utiliser plus de tissu haut de gamme, mais l'effet quand on ouvre sa veste est sans commune mesure.
Un blazer semi-doublé
Un pantalon avec une légère coupe carotte
Pour ce costume, il n'était pas question d'une coupe du pantalon banale. Donc la coupe se rapproche beaucoup du jogpant qu'on a sorti en janvier.
Pourquoi ? Avec une matière originale comme celle-ci, il fallait qu'on explore une silhouette différente !
Important : sur le shooting, le pantalon est volontairement porté court, car c'est dans l'esprit de ce costume tel que nous l'avons imaginé, mais au lancement, il aura une longueur normale, revers compris. Les photos ne sont donc pas représentatives de la longueur actuelle.
J'insiste bien sur le fait que c'est une légère coupe carotte et sûrement pas un jogging. Ainsi, par rapport à un pantalon normal, on a rajouté 1,5 cm au niveau des hanches (mais la mesure à la ceinture reste strictement la même, donc continuez à prendre votre taille habituelle). Quant aux cuisses, on a rajouté 0,5 cm sur chacune d'elles par rapport à nos pantalons normaux.
Cependant, il y a une pince sur chaque jambe, exactement comme le jogpant, afin d'apporter de l'aisance.
Au niveau de la cheville par contre, c'est un pantalon ajusté, puisque l'ouverture de jambe est comprise entre 16 et 16,5 cm (du fait des tolérances industrielles) pour une taille 48.
Pour vous donner une idée de la longueur réelle du pantalon, je suis passé de l'autre côté de l'appareil photo pour vous le montrer :
Un revers de pantalon optionnel
Ce pantalon se termine avec un beau revers !
Et si vous n'aimez pas les revers ?
Pas de panique, en deux coups de ciseaux, n'importe quelle couturière "libèrera" le revers et vous fera un bas de pantalon classique. Mais si vous voulez mon avis personnel, je trouve que c'est dommage de le faire. En effet, avec ce costume on veut vous pousser à apporter de l'aspérité dans votre tenue, à tenter de nouvelles choses… Et garder le revers de pantalon tel quel en fait partie !
Sa coupe, ses revers et son dessin lui permettront d'être pertinent dans une tenue avec des sneakers, ou une belle paire de souliers anglais (ce que j'ai fait quand je l'ai porté).
Les finitions haut de gamme de ce pantalon
Le V d'aisance à l'arrière de la ceinture
C'est une finition très tailleur, dont la légende veut que cela donne plus de mobilité à la ceinture… Dans les faits, visuellement, je trouve que ça donne de l'âme au pantalon.
Des pattes de serrage latérales pour un ajustement optimal
C'est notre premier pantalon qui inaugure ce clin d'oeil à l'univers tailleur :
Les boutons en corne, aussi sur le pantalon !
Comme d'habitude, ils sont bien là, et apportent de belles nuances par rapport à un bouton en plastique uni.
Ma finition préférée : la fermeture en trois boutons
C'est sûrement la finition la plus haut de gamme de ce pantalon. En général, c'est un ou deux boutons, ici, il y en a trois. Cela permet de bien répartir le maintien et d'ajouter du confort.
Un dernier avertissement…
Je tiens quand même à prévenir : si vous voulez être le plus discret possible et se fondre le plus possible dans la masse, ou que vous cherchez le costume le plus basique qui soit, ce n'est peut-être pas le costume pour vous.
En revanche, si vous aimez avoir un pièce plus singulière, ce costume est pour vous !
À très vite de l'autre côté,
Benoît
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