Lors de mon premier jour chez BonneGueule, j’y suis allé avec une petite boule au ventre. Engagé en tant que rédacteur stagiaire, j’allais assister un pôle édito, avec que des gens super bien habillés dedans. Je m’étais bien habillé (sans en faire trop), mais j’avais peur d’être à des années-lumières de mes futurs collaborateurs. Après quelques minutes et une poignée de main , Christophe m’a rassuré, je n’étais pas obligé de venir en sartorial pour bosser. Ouf.
Quelques jours après, j’avais quand même remarqué que tout le monde avait son style propre. M’est venue une série de questions : ai-je un style ? Un style en particulier ? Dois-je tout remettre en question ? Pourquoi je trouve Jordan ou David si beaux ? (ah non ce n'est pas ça).
En pleine introspection, je me suis auto-évalué. Rétrospective.
Créatif, mais juste un peu
J’aime être à l'aise dans mes vêtements, avoir une belle tenue, des vêtements que j’aime, mais je n’ai jamais travaillé mon style.
J’ai un souvenir de mes choix de l’époque. J’habitais à Reims, et tout champenois sait qu’il peut dracher (pleuvoir) n’importe quand ! Comme je n’étais pas le dernier à traîner dehors, je m'équipais en fonction :
Dès cette époque, j’aimais le côté “cool” du K-Way. Il n’a pas de forme, se range partout. Peu importe la saison, je ne sortais pas sans mon imper. Je le mettais en boule au sol pour faire un poteau au foot, j’y cachais mes bonbons et mes premières cigarettes (fumer c'est mal m'voyez), c’était mon indispensable.
Le reste de mon starter pack se justifie autrement : c’était la mode. Je ne m'attardais pas sur la qualité intrinsèque du vêtement, mais surtout sur le fait que je passais inaperçu dans la cour du collège. Par exemple, je n’étais pas particulièrement fan des Converse (mon avis a depuis évolué, quand j’ai découvert que les Converses étaient des sneakers centenaire) mais j’ai quand même tanné ma pauvre mère pour cette paire. Incroyable.
Une publicité de Converses des années 30. Crédits : Chausport
Pareil pour le col en V. Personnellement, j’ai toujours trouvé ça un peu laid, mais c’était tellement répandu que le côté social reprenait le dessus sur l’aspect esthétique.
En prenant du recul, j’ai remarqué quelque chose : une grande partie des vêtements choisis étaient très normés, très basiques. Et pourtant, en enfilant un K-way un peu flashy, je twistais ma tenue. Je ne cherchais pas spécialement à me démarquer, mais j'appréciais mettre un vêtement inattendu. Un truc qui surprend.
Quelques années plus tard, voici où j'en étais rendu :
Pas encore majeur, j’arpentais les rues du quinzième arrondissement de Paris (finie la période rémoise) dans ce style un peu geek. Comme pour mon look du collège, je portais des vêtements extrêmement répandus (comme les Nike Blazer, la chemise à carreaux …) avec une pièce fétiche surprenante. Encore une fois, c’est au niveau de la veste que j’essayais d’innover : j’avais donc jeté mon dévolu sur un magnifique blouson de la marque anglaise Ben Sherman. Un bomber parfaitement coupé, simple, avec cette doublure interne reconnaissable entre mille. J’ai adoré porter ce blouson.
@benshermanofficial
Le reste de mon vestiaire de ces années-là est très simple : je succombais encore à l’effet de mode, et je ne cherchais pas spécifiquement à avoir un style en particulier. J’ai toujours préféré les vêtements simples et bien coupés. Je cherchais en premier à ce que le vêtement m’aille bien, que je sois à l’aise dedans.
Sans complexes
Bonne chose à savoir, mon poids a beaucoup fluctué à l’époque : en 2 ans, je suis monté à 95 kilos, avant de redescendre vers les 65 kilos. J’aurais pu changer radicalement de style, mais non : je continuais de porter des vêtements plutôt sombres et assez moulants, à rentrer mes chemises dans mon pantalon … J’étais plutôt à l’aise avec ça, je ne voulais pas chambouler mes habitudes pour des kilos en trop.
À 17 ans déjà, je n’étais pas fan de logos ou de vêtements à motifs, ma marque de prédilection était Uniqlo. Simple, pas trop cher, un minimum de qualité, j’estimais beaucoup cette marque (j’ai depuis rencontré Benoît, qui m’a ouvert les yeux sur le cas d’Uniqlo). La sobriété de leurs produits me correspondait parfaitement.
Et maintenant ?
“Avoir un style, c’est un choix assumé. Le style raconte aux autres ce que tu n’as pas envie de verbaliser” me souffle Émilie du pôle produit. Me voilà majeur, vacciné, (quasiment) émancipé, et demeure une question : qu’est-ce que mon style raconte sur moi ?
Aujourd’hui, je pense avoir un style casual, à mi-chemin entre le workwear et le “sport-chic” (plus sport que chic) :
- J’ai développé un culte pour les chemises (voire à tout ce qui a un pied-de-col). C’est un vêtement qui me rassure, que je porte de plusieurs façons.
- Je continue de trouver les bombers super stylés, pile à mi-chemin entre sport et workwear.
- J’ai bazardé mes pantalons skinny, qui changent la silhouette. En fonction du contexte, j’opte pour un jean droit, ou alors des pantalons habillés plus fuselés. J’ai des jambes assez longues, ce sont les pièces les plus adaptées à mon gabarit.
- Peu de chaussures formelles à mes pieds, j’alterne entre sneakers en cuir ou en toile, en fonction de la tenue. Ma paire préférée ? Pour des raisons sentimentales, c’est une vieille paire de Van’s noire trouée. Elles ont tout vu, tout connu.
- Je n’achète toujours pas de vêtements bariolés de marques, que je trouve inesthétiques
- Je considère désormais la chaussette comme un vrai plus. Je n’ai pas encore investi massivement dedans, mais j’y compte bien, un jour.
- J’ai élargi ma palette de couleurs, le noir a fini par me lasser !
Mon style casual un peu passe partout me définit bien : j’aime rester discret, ne pas faire de bruit. J’aime cultiver l’élégance de la discrétion, ce qui fait sûrement de moi quelqu’un de terriblement ennuyeux.
J'espère ne pas ressembler à ça. Crédits : Getty
Pourtant, j’aime l’imprévu, la surprise. Avec le temps, je me suis épris de nombreux vêtements qui je pense ne m'iraient pas, me donneraient l'air déguisé. Je n'ai pas encore passé le pas des "pièces fortes". Voici une petite liste de vêtements que j’adorerais mettre mais dont le rendu me laisse sceptique :
Pourquoi ? Parce que ce n’est pas mon style ! Petite confession : je fais partie des timides. C’est avec la chemise (ou le t-shirt) rentré dans le pantalon que je suis le plus à l’aise en société. Inexplicable mais vrai.
Steve McQueen, paroxysme du style que j'aime. Crédits : Pinterest
Sous influence
En arrivant chez BonneGueule, j’ai dévoré le contenu du media. Par honnêteté intellectuelle déjà, mais surtout parce que je suis curieux. En densifiant mes connaissances sur le vêtement, j’ai remarqué quelque chose : parmi toutes ces histoires, c’est celle du workwear qui m’a le plus parlé.
Quand un vêtement réservé aux travailleurs manuels se démocratise, il devient chargé d’histoire. C’est un héritage qui me parle. Mes parents m’ont toujours inculqué la valeur du travail : un homme bon et vertueux, c’est un homme qui se salit les mains. C’est le travailleur qui satisfait l’intérêt général. C’est la nature même de ce style qui séduit tant.
En comparant ma garde-robe avec celle du workweariste de base, j’ai remarqué quelques similarités : plus de blousons et de vestes en jean que de blazers, beaucoup de coupes simples et droites, peu de couleurs claires et vives, du jean, des chemises, des poches un peu partout. Sans le savoir, j’étais déjà sous influence du workwear !
Je ne vais pas m’acheter un bleu de travail ou un treillis militaire, mais leur existence dans le paysage de la mode me rassure. Les tendances vestimentaires sont des bons reflets de la société, et aujourd’hui plus que jamais, la société dans laquelle nous vivons a besoin de travailleurs acharnés.
La logomania, une tendance qui vous veut du mal. Crédits : Victor Virgile/Gamma-Rapho via Getty Images
Nous sommes à l’heure de l’image et du logo et j’ai vraiment du mal à écouter l’histoire d’au moins 80% des fringues qui sortent actuellement. Si dans les 20% restants, les vêtements disent “j’ai la peau dure, je suis fait pour ceux qui transpirent”, mon choix est vite fait.
Finalement, il suffisait de s’instruire un peu ! En parlant quotidiennement avec Benoît, Quentin, David, Christophe, Nawal, Jérôme et tant d’autres collègues (que dis-je, des camarades !) de chez BonneGueule, cela m’a permis de verbaliser ce que j’aimais dans le vêtement : elle raconte une histoire. Mon histoire, elle rentre sa chemise dans son pantalon, et se salit les mains.