Comprendre les silhouettes pour ajuster son style à sa morphologie
Ce guide de la silhouette a été écrit pour vous simplifier la vie et vous empêcher de trop vous prendre la tête devant la glace.
Ainsi, vous pourrez un peu mieux vous comprendre et déceler les clés qui vous permettront d'éviter les erreurs récurrentes, en ajustant vos tenues à votre morphologie.
Histoire de la silhouette masculine
Le nombre d'or : 1,618
Le Nombre d’Or est un rapport universel parfait en géométrie. Il est connu depuis l’Antiquité et fut érigé en principe artistique à la Renaissance, notamment sous l’influence du moine franciscain Luca Pacioli qui y voit la providence de Dieu dans son De Divina Proportione, et en fait la mesure de toutes choses.
D'après le traité, rien n’existe de parfait dans la nature qui ne soit pas relatif au Nombre d’une manière ou d’une autre. Or, l’homme étant la plus belle des créations de Dieu et au sommet de la création, il en est forcément l’expression la plus parfaite et donc mesurable sous toutes les coutures grâce au Nombre.
Les mathématiques modernes ont permis de réévaluer ce point de vue un peu hâtif, mais le principe reste vrai dans des proportions visuelles approximatives et vaut encore aujourd’hui en art, posant ainsi les fondations des rapports du corps humain.
De manière générale, quand on commence à s’intéresser de façon profonde à la mode (en tant qu’amateur, pas couturier), il est inutile d’avoir une connaissance encyclopédique des muscles et de leurs emplacements, mais posséder une vague idée des canons de proportions représente un grand avantage.
En plus de développer votre oeil (ce qui est appréciable dans des domaines comme l’architecture), cela vous sera utile partout en stylisme, vous permettant de juger d'une tenue au premier coup d’oeil et de comprendre intrinsèquement certains principes abscons de créateurs dark, voire d’équilibrer instinctivement vos différentes pièces.
Ces notions sont d'ailleurs incontournables en dessin.
Maîtriser le canon de huit têtes
Un des canons artistiques classiques reprenant l’idée de nombre d’or est le “canon de huit têtes”. C'est une méthode de division du corps en huit parties égales - les têtes - qui correspond à la représentation idéale d’un homme d’environ 1.85m.
On passe à sept têtes et demi pour des morphologies plus frêles, autour d’1.70m, et à neuf pour un corps de deux mètres, une tête correspondant donc à environ 20/25 cm.
Mais il est plus compliqué de diviser en sept et demi, la division classique en quarts de tête permet de s’arrêter sur des emplacements particuliers de l’anatomie (tétons, nombril, pubis, mi-cuisse, genoux, etc.).
Les proportions se conservent également quand vous étendez les bras ou les jambes.
C’est un outil extrêmement pratique pour équilibrer vos vêtements :
- mettons par exemple que vous enfiliez un pantalon taille haute qui vous arrive au nombril, et pas sur la “taille naturelle” située un peu plus haut que le pubis. Votre slhouette s'en trouvera déséquilibrée (rapport 5/2 pantalon/chemise) et il faut donc trouver le moyen de retrouver un rapport plus naturel (4/3) par exemple, avec un cardigan lâche ou une veste.
- C’est pareil pour les manteaux longs. Un manteau trois-quarts tient son nom exact de ce rapport de proportions (6/2, enfin 5/2, mais on inclut traditionnellement la tête dans les rapports établis en verticale inversée).
- Si vous portez un manteau plus long, vous allez vous retrouver dans un rapport “non naturel” 7/1 que vous devrez rééquilibrer d’une manière ou d’une autre, avec une écharpe longue par exemple, qui vous permettra de le ramener à un rapport 5/7/1 progressif plus harmonieux.
C’est pourquoi les manteaux longs fermés sont désagréables à l’oeil, et qu’ils ont beaucoup plus de fluidité ouverts et/ou portés avec une écharpe aux extrémités ballantes. En plus d’être visuellement structurés par la ligne horizontale de la taille, ils vont beaucoup mieux aux gens très grands (plus de têtes dans les rapports). Il vaut mieux les choisir en cachemire ou dans d’autres matières fluides plutôt que dans des matières rigides, comme la laine vierge ou le polyester qui figent la silhouette.
On voit aussi que beaucoup d'hommes se mettent à roulotter leurs chinos. Ça permet de montrer la belle paire de pompes dans laquelle on vient d’investir, mais, consciemment ou non, ça établit un rapport 3/3/1 (chemise/pantalon/mollets) au lieu d’un simple 3/4.
Visuellement, la symétrie est cassée par une légère dissymétrie en bas, principe qu’on retrouve par exemple dans le concept japonais de wabi sabi : la véritable harmonie ne réside pas dans la perfection, mais dans la fêlure qui la défigure légèrement.
Comment équilibrer les volumes dans une tenue
Une fois qu’on a saisi le principe du canon de huit têtes, le reste découle assez naturellement, tout simplement parce que l’oeil prend d’excellentes habitudes et commence à percevoir instinctivement les subtilités anatomiques qui lui auraient demandé un effort de mesure conscient auparavant. Restent les volumes.
En gros, le corps se découpe en lignes horizontales et verticales. Mais étant essentiellement réparti sur un plan vertical, les volumes déterminants sur la silhouette s’analysent en strates tandis que ceux “en colonne” restent anecdotiques.
Sur la silhouette du schéma précédent, les lignes horizontales créées par l’empilement de pièces forment une structure stable et se suffisent à elles-mêmes, au point que les lignes verticales des pans du blouson et de la parka passent inaperçus. C’est l’empilement des pièces qui permet cette structure.
Certaines silhouettes se passent de cette structure “facile” et travaillent tout en verticale. C’est même une des principales différences entre les morphologies masculines et féminines. Prenons celle-ci par exemple.
La structure osseuse de l’homme, plus lourde, est grossièrement construite comme un empilement de cubes ou de cylindres, ce qui la rend visuellement plus “épaisse”, tandis que la structure féminine, plus svelte, peut se résumer en lignes.
D’où notamment le port de talons qui élance le corps d’une femme mais qui est parfaitement ridicule chez l’homme au delà d'une certaine longueur.
Plus précisément, ça n’est possible que chez certains créateurs darks comme Rick Owens, qui demande une morphologie très particulière aux porteurs de leurs vêtements. Une morphologie presque féminine (voir le tour de cuisse de ses mannequins).
Le travail dans la longueur, chez l’homme, rend ainsi la silhouette très féminine (comme on le voit au dessus), mais peut être particulièrement intéressant à analyser.
Ici, on a donc un rapport 5/6/1/1 (pull/manteau/espace “nu”/bottes) qui serait déséquilibré sans l’ajout de bottes plus imposantes aux pieds pour rééquilibrer la silhouette vers le bas.
La destructuration de la silhouette reste cependant un travail essentiellement féminin (longues silhouettes fluides à base de jupes plissées, longs manteaux volants, talons).
Le travail vertical de la silhouette peut cependant être travaillé d’une autre manière, avec des jeux de volume. Le regard humain a naturellement tendance à se porter sur :
- les extrémités visibles : c’est un des axes de travail d’un créateur comme Carol Christian Poell, dont le but est d’asexuer la silhouette au maximum pour se concentrer sur les mains et les pieds - et si, rien ne ressort particulièrement, la poitrine.
- les volumes les plus importants : si vous avez une corpulence plus forte que la moyenne, vous aurez ainsi intérêt à flouter votre allure pour diriger le regard vers d’autres endroits comme le visage.
- les couleurs minoritaires : si vous avez une silhouette globalement noire et un t-shirt blanc, le regard se portera naturellement vers le t-shirt blanc. Donc vers votre poitrine.
- À l’inverse, il se portera vers le noir si vous portez un ensemble plus clair. Autant dire que ce n’est pas forcément un très bon choix selon votre gabarit.
Dans les faits, le canon de huit têtes est applicable si vous avez une silhouette “idéale” : mince ou avec plus d’épaules que de hanches. Dans le cas contraire, vous avez deux choix : à long terme, suivre le conseil de Rick Owens
« Rien ne vous fera sentir ou avoir l’air plus à l’aise qu’un corps musclé. Arrêtez d’acheter des vêtements et allez à la salle. »
Vous pourrez ainsi jouer avec tout le panel de mix & match que vous offre ce type de silhouette.
À court terme - mais ça reste à court terme - vous pouvez recourir aux artifices de volume.
Vous avez un gabarit hors normes ?
- Renforcez vos épaules. Prenez des vestes américaines avec des renforts d’épaules qui vous cadreront la silhouette, et des boutonnières croisées qui vous flouteront à la taille.
- Vous avez une silhouette longiligne ? Faites comme le type pris en photo par Tommy Ton. Rajoutez des grosses boots, laissez vos mains visibles ou enfilez des mitaines travaillées.
Chez les femmes, les graisses ont tendance à s’accumuler de préférence sur les cuisses, les fesses et les hanches. C'est ce qu’on appelle le profil gynoïde : il qui donne cette silhouette en sablier qu’on utilise pour caractériser des formes féminines, de façon encore plus marquée dans l’art primitif (voir la Vénus de Willendorf par exemple).
Chez les hommes, les graisses ont tendance à s’accumuler sur le thorax et l’abdomen (le profil androïde), il est techniquement plus difficile de passer à une taille de pantalon supérieure chez l’homme que chez la femme. En plus, un peu de brioche est beaucoup plus facilement dissimulable chez nous que chez les femmes.
Pour peu que vous ayez déjà les épaules larges, la silhouette entière ne sera véritablement impactée que si vous avez fait de Burger King votre résidence secondaire (ce qui arrivera probablement chez certains d’entre nous vu qu’ils ouvrent partout en France).
Et enfin, au-delà du volume, il y a la question des muscles qui sont comme les arcs-boutants de votre tenue, pour peu que vous vous mettiez au dark et au drapé, c’est d’autant plus important. Considérez votre corps comme une église gothique dont les muscles seraient la charpente. Ils donnent au corps sa forme, sa solidité et son maintien, bien plus que les os.
Un duo d’artistes contemporains, Christo, exploite d’ailleurs cette thématique tout au long de leur oeuvre : leur spécialité, c’est d’envelopper des bâtiments publics de tissu ou de toile pour étudier la façon dont il tombe (emballage du Reichstag en 1995). Les oeuvres de Christo n’ont d’autre but que de créer du beau. Elles n’ont aucune fonction, ni aucun message à transmettre. La mode, c’est pareil vu sous cet angle.
Les muscles importants pour le style
Les muscles importants sont ceux que vous allez en général développer en musculation - en gros tous les muscles de la partie supérieure du corps, plus ceux des cuisses.
Soit :
- les pectoraux, qui déterminent la manière dont tombe un t-shirt ;
- les deltoïdes (muscles des épaules), qui dessinent la carrure que vous aurez dans une chemise ou une veste (soit des vêtements avec une coupe structurée, au contraire d’un tee-shirt qui suit la courbe du corps) ;
- les sterno-hyoïdiens (muscles du cou) qui, de manière plus anecdotique, vont déterminer tout simplement votre tour de cou et donc si vous pouvez entrer dans une chemise.
- les grands-dorsaux, ces muscles du dos qui donnent l'effet " V " assez imposant.
Le reste des muscles (biceps et quadriceps) “sculptent” votre silhouette habillée, mais n’ont pas réellement d’impact sur le tombé des vêtements. L’important est donc de travailler ceux-ci pour conférer une tenue à la silhouette générale, puisque ce sont eux qui vont intervenir dans vos jeux de volume (pas de manière déséquilibrée non plus).
Les différentes silhouettes existantes
Maintenant que vous avez compris la structure d’un corps et comment jouer avec, place au concret avec les fringues - c’est pour ça qu’on écrit cet article finalement !
Il y a trois types de silhouettes :
- la silhouette ajustée (soit s’habiller selon une morphologie idéale), qui est la base pour maîtriser les deux autres
- la silhouette loose, à l’inverse de la première,mais qui n’est pourtant pas une alternative pour les personnes corpulentes.
- le mélange des deux, ajusté/loose ou loose/ajusté, qui fonctionne différemment selon les morphologies.
Vous avez saisi que la structure du corps d’un homme et d’une femme fonctionnaient différemment, notamment au niveau de la répartition des graisses, plus à notre avantage. Et bien à notre tour d’être en position de faiblesse : les femmes ont une structure physique plus propre à l’habillement !
Notre physionomie plus épaisse rend l’intégralité des silhouettes plus difficiles à mettre en oeuvre, et cantonnent l’homme à un panel plus restreint de types de vêtements, de coupes et de formes de tissus. Au hasard, chez une femme, jupe, jupe longue, jupe plissée, robe, robe fuseau, robe à volants, sarouel, legging,... Et on ne parle pas des tops.
Chez l’homme, pantalon + chemise/t-shirt. Sachant que la femme porte aussi le pantalon, la chemise et le t-shirt, elle a beaucoup plus de possibilités d'habillement que nous. Comment donc se retrouver avec si peu de moyens ?
Good news, il en reste quand même encore assez, entre les tendances dark, la mode scandinave, le tailoring, les tenues workwear, pour s’amuser un peu.
Comment porter le style loose fit ou silhouette loose
La pensée confucéenne se fonde sur les éléments yin et yang, le principe “négatif” et le principe “positif”, chacun des deux contenant une part de l’autre. En mode, c’est pareil. Disons, pour filer la métaphore, qu’une tenue parfaite peut se définir en un mot : l'équilibre.
Chaque élément renvoie à un autre, il est indissociable de l’ensemble. On l’a vu dans la tenue plus haut où la parka et le blouson forment à la fois une gradation haut-bas de proportions, en relation visible avec les “espaces visuels” de la tenue (les creux qui permettent à la tenue de respirer, soit les espaces correspondant à une tête : bas de la blouse et chaussettes), mais aussi une gradation plus subtile en 4/3/2/1 si on prend en compte les proportions cachées des deux vêtements.
L’idée du style loose, c’est de porter des silhouettes qui vous laissent à l’aise sans donner l’impression d’avoir piqué son cabas de courses à votre mamie pour s'en faire un t-shirt.
Le loose permet de tester des sensations plus naturelles. En apparence, les proportions ne sont pas respectées, mais le bon loose s’appuie sur une connaissance poussée de l’anatomie et la respecte à la limite plus que les silhouettes ajustées, puisqu’elle la pousse dans ses derniers retranchements par une réflexion conceptuelle.
Exemple en pantalons : le sarouel est souvent très laid, parce que la fourche est située quasiment au niveau des genoux et déséquilibre la silhouette en n’accentuant pas des formes naturelles (la coupe est telle que le plus gros volume de tissu s’accumule souvent juste au dessus du mollet).
Le jodhpur a une coupe assez proche mais le volume de tissu autour de la cuisse est moins prononcé et, surtout, il est très resserré au genou au lieu d’être simplement serré à la cheville comme le sarouel. Résultat : coupe loose, mais visuellement agréable, parce qu’elle reste dans ces canons esthétiques.
Bonne nouvelle, le loose va à la plupart des morphologies, c’est notamment un bon moyen de dissimuler l'embonpoint. Il convient idéalement aux hommes grands avec de larges épaules dont la silhouette très charpentée permet de structurer tout ce volume un peu bâillant.
Il est aussi intéressant de s’en servir comme contrepoids à un haut ou un bas plus ajusté : par exemple, chemise cintrée + jodhpur, ou au contraire chino resserré + cardigan ou col roulé oversize. Ça s’applique d’ailleurs particulièrement bien aux looks d’été : ça donne l’air plus décontracté, et permet d’avoir moins chaud.
Le tout étant, toujours, de garder la silhouette équilibrée.
Exemple : si vous êtes plutôt petit et fin, porter des volumes amples en haut va destructurer votre la silhouette, alors que c’est parfaitement possible en bas. Si vous décidez de porter un sweatpant, pensez à l’équilibrer en haut avec un tee-shirt assez long ou une chemise qui, même relativement ample, contrebalance l’excès de volume aux cuisses.
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Maintenant vous savez à peu près tout ce qu’il y a à savoir sur la construction d’un style suivant sa morphologie. Pour en savoir plus, il faudrait sans doute sauter le pas et devenir styliste.
On vous souhaite de développer de beaux deltoïdes et d’acheter des pantalons confortables où vous vous sentirez à l’aise.
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